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compte, sans trop l’exagérer toutefois, car les musulmans des villes n’y augmentent pas la consommation en proportion de leur nombre : ils sont rarement riches et toujours sobres. Il est constaté, par exemple qu’ils mangent trois fois moins de viande que les Européens. C’est après avoir apprécié ces circonstances que nous avons évalué les ventes réelles faites par le peuple vaincu au peuple conquérant à 30 millions au moins pour les années 1844 et 1845. Quant aux acquisitions faites par les indigènes pendant ces mêmes années, elles représentaient une valeur approximative de 14 millions.

Jusqu’à ce jour, la France n’a exercé un contrôle direct que sur les marchés ou les Européens se rencontrent avec les indigènes. Ces marchés sont au nombre de 34, savoir : 14 dans la province centrale, 8 dans la province de l’est, 12 dans celle de l’ouest. Le mouvement commercial est constaté par les registres que tiennent les agens français ou les kaïds institués par la France. Le nombre des vendeurs se constate par le droit de présence que paient les Arabes pour trafiquer pendant trois jours au plus 1,489,282 actes de présence ont été relevés en 1844, et 1,781,864 l’année suivante. Quelques places sont fréquentées toute l’année. Pour d’autres, les arrivages ne durent que pendant certains mois, selon les mouvemens de caravanes. En général, les marchandises sont rarement présentées sur les marches par les producteurs eux-mêmes. Certaines tribus ont l’instinct de l’exploitation sédentaire, tandis que d’autres semblent avoir pour spécialité de colporter les produits de marchés en marchés. Quant au commerce européen, il a pour lui des entremetteurs très actifs, très insinuans : ce sont les colporteurs juifs, qui rayonnent dans toutes les directions du littoral vers le sud, et introduisent les marchandises françaises jusque sous les tentes du grand désert.

On n’a pas encore assez apprécié les ressources que les sujets algériens de la France peuvent offrir au commerce et aux ateliers français. Un tableau conçu de manière à montrer, par aperçu, la nature et l’importance des acquisitions faites par les Arabes, serait précieux. Le seul document de ce genre qui soit parvenu à notre connaissance est un bulletin trimestriel publié récemment. En retour des produits qu’ils ont vendus aux Européens, du 1er avril au 30 juin 1847, les Arabes ont demandé au commerce français pour 7 millions de marchandises au prix de la douane, pour 4 à 5 millions en réalité, savoir : 92,500 kilogrammes de sucre blanc ou brut, 12,328 kilogrammes d’épiceries, 32,296 kilogrammes de café, environ 88,000 kilogrammes de quincaillerie ou métaux ouvrés. La sellerie, la coutellerie, la corderie, les ustensiles divers, en fer ou en cuivre, sont estimés à une valeur de 60,000 francs. Le chapitre le plus important est celui des étoffes. La vente de coton seulement est calculée à 365,000 kilogrammes, qui,