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appelle aujourd’hui des colonies agricoles, nous échappe complètement. Sans doute la diffusion d’une somme considérable, un accroissement subit de population, ne seront pas sans quelque profit pour l’Algérie. Les nouveaux colons, étant en général d’une trempe plus distinguée que leurs prédécesseurs, apporteront à leur œuvre plus de dévouement et d’intelligence ; le sort de la plupart des émigrans sera probablement amélioré, et c’est une espérance à laquelle nous nous associons cordialement. Cependant ce don de 50 millions a un sens sur lequel il serait dangereux de s’abuser. La France se figure qu’on n’a rien fait jusqu’à ce jour pour la mise en valeur du sol colonial ; fléchissant sous son fardeau, elle croit se soulager au prix d’un dernier sacrifice. Qu’on demande aux généraux, aux fonctionnaires, aux spéculateurs qui connaissent l’Afrique, ce qu’on peut attendre de la culture morcelée et sans capital. Que chacun, s’éclairant de son propre bon sens, se demande à lui-même quels dédommagemens offrent à la métropole des cultivateurs pauvres, isolés, trop heureux de produire pour leur subsistance, consommant peu, ne payant pas d’impôts ! Si la France s’aperçoit qu’elle a augmenté ses dépenses sans compensation prochaine, résistera-t-elle à un découragement qui serait mortel pour l’Algérie ?

Ce que nous venons de dire de la colonisation agricole est applicable à l’exploitation commerciale. Le mouvement général des affaires a suivi une progression remarquable sans que l’état qui a donné l’impulsion en retire des avantages proportionnés à ses avances. Tous les profits sont pour un petit nombre de spéculateurs bien avisés. Le chiffre total des échanges, qui est de 100 à 120 millions, ne doit pas trop nous éblouir ; il est grossi artificiellement par les achats de l’armée, et il est évident que ces dépenses profiteraient également à nos manufactures, si nos troupes tenaient garnison en France, au lieu d’être cantonnées en Afrique. Le développement de notre marine marchande est un avantage moins contestable. Le progrès qu’on a signalé en ces dernières années est dû principalement à la possession de l’Algérie, qui a augmenté d’un dixième, au profit, de nos armateurs, la somme des transports. Le cabotage entre les ports algériens a pris en même temps de l’importance ; il occupe environ 3,000 petits bâtimens jaugeant ensemble 150,000 tonneaux, et alimente une population de 20,000 marins, Algériens pour la plupart ; 150 d’entre eux sont employés en même temps à la pêche du poisson. Les bateaux de corailleurs sont au nombre de 150, et chacun d’eux paie au fisc une patente de 800 francs.

L’exploitation des mines de Mouzaïa, quelques usines à vapeur pour la mouture des grains, sont les seuls grands établissemens industriels en activité jusqu’à ce jour. Au contraire, les petits métiers qui s’exercent en boutique se multiplient, se diversifient selon les besoins d’une