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jetées dans un moule uniforme, et offrent des épisodes pleins de vie et de réalité ; mais, ce qui est surtout digne d’attention, ce sont les tributs apportés au Pharaon vainqueur par le peuple qu’il a soumis. Parmi ces tributs, on remarque l’or en anneaux, qui remplaçait la monnaie dans l’antique Égypte, comme, chez les anciens peuples du Nord, la poudre d’or renfermée dans des sacs, et différens animaux parmi lesquels on reconnaît la girafe, le singe, l’autruche et le guépard. La nature des objets présentés au vainqueur par les populations vaincues montre qu’il s’agit ici de victoires remportées sur les habitans des régions situées au midi de l’Égypte, sur les Éthiopiens, et les traits des vaincus, qui sont évidemment des nègres, achèvent la démonstration. Cet usage de placer des animaux dans les pompes triomphales se retrouve, en Assyrie, sur un obélisque nouvellement découvert à Nimroud. En Égypte, les Ptolémées marchèrent, à cet égard, sur les pas des Pharaons, comme le prouve la description de la pompe triomphale que Ptolémée-Philadelphe montra aux Alexandrins et où figurait une girafe, au rapport d’Athénée.


Kalabché.

Non loin du monument peu considérable, mais classique, de Beit-Oually, s’élèvent les ruines colossales et comparativement modernes de Kalabché. Presque tout ce qui subsiste de Kalabché date des Ptolémées ou des empereurs ; mais c’est le plus magnifique reste de cet âge récent. Si l’on n’était averti par les inscriptions hiéroglyphiques et par le style des bas-reliefs, on pourrait se croire chez les vieux Pharaons. Plusieurs cours encombrées d’immenses ruines, d’énormes colonnes encore debout, un grandiose qui rappelle celui de Thèbes, feraient supposer qu’on a devant les yeux un monument des plus belles époques de l’art égyptien et non de l’époque gréco-romaine. Kalabché a un faux air de Karnac. Les peintures, étant moins anciennes, ont mieux conservé leur fraîcheur. Les signes dont les murs sont couverts brillent des couleurs les plus vives : le bleu, le vert, le rouge, y resplendissent au soleil de Nubie avec un éclat incomparable. Il y a ici d’intéressantes études à faire sur la mythologie égyptienne, telle qu’elle était devenue en s’éloignant de sa simplicité antique, en multipliant les personnages divins sans changer l’idée religieuse que ces personnages représentent. Le système religieux des Égyptiens se compose partout d’un petit nombre d’élémens qui, avec le temps, vont se diversifiant à l’infini. Peu de types et beaucoup de variantes : c’est la loi de la mythologie aussi bien que de l’écriture égyptienne.


Dandour.

Nous avons dépassé le tropique ; c’est un événement pour un voyageur. En Nubie, bien plus qu’en Égypte, les monumens égyptiens se