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d’Orphée, d’Aleste et d’Armide, par la variété des idées, par la souplesse du style, par la diversité des accens, par la complication et le développement des morceaux d’ensemble et par la science des accompagnemens. Mozart est presque le seul compositeur allemand qui ait su écrire pour la voix humaine. Ses mélodies, quelquefois un peu courtes sont toujours confiées aux cordes faciles de l’organe, sauf les cas exceptionnels où le goût du maître a dû subir la tyrannie d’un virtuose. Ses accompagnemens si intrigués, si remplis d’étincelles, de reflets et de mouvemens divers qui font les délices des connaisseurs, restent toujours subordonnés à la mélopée vocale, dont ils suivent les sinuosités sans la dépasser ni l’obscurcir. C’est que Mozart sait placer chaque chose à sa place. Génie harmonieux, moitié allemand et moitié italien, il ne confond pas la symphonie et son domaine infini avec la mélodie vocale, expression des sentimens individuels et bornés de l’homme. Il tempère la force, par la grace, les élans lyriques de l’imagination par les effusions de l’ame, et, comme Virgile, Raphaël et l’art antique, il émousse la crudité des passions et transfigure la réalité. Son style a la suavité de Pergolèse et la vigueur de Gluck. Mozart est le chantre de l’amour idéal, le Platon des musiciens.

Après la mort de ce grand maître, l’art musical, dont il avait embrassé toutes les parties, se divise en deux grands courans. Weber et Beethoven, du côté de l’Allemagne, rompent cet équilibre merveilleux des deux élémens constitutifs de l’opéra tel que l’avait conçu l’auteur de Don Juan. Génies autochthones, venus en pleine terre germanique dont la sève puissante les remplit d’élans épiques et d’aspirations grandioses, ils introduisent la symphonie dans le drame lyrique. Les effets d’instrumentation et les masses chorales vont prédominer sur la mélodie vocale ; la peinture des phénomènes, la traduction des harmonies mystérieuses de la nature, prendront la place de l’expression des sentimens individuels, c’est-à-dire que le souffle du panthéisme absorbera la personnalité humaine, dont Mozart est le musicien par excellence. Beethoven voulait terminer sa carrière en mettant en musique le Faust de Goethe. Il est à regretter que ce grand homme n’ait pas réalisé son projet ; nous posséderions dans la même langue le drame de la pensée, que nous pourrions comparer au drame du sentiment, Don Juan.

Rossini, d’un autre côté, est resté fidèle à la tradition de Mozart et au génie mélodique de sa patrie. Dans son œuvre admirable et variée, la voix humaine conserve la prépondérance qu’elle doit toujours avoir sur la scène lyrique. L’orchestre achève, complète et vivifie la peinture des caractères et des situations. Homme de son temps et de son pays, pressé de vivre et de jouir des progrès accomplis, Rossini flatte la foule, il marie l’instrumentation allemande à la mélodie italienne, dont il développe les proportions et retrempe la vigueur. Il excelle à peindre le