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est présent au milieu de ces luttes par l’enthousiasme qu’il communique aux Flamands. Flandre et lion ! Vlaenderen den leeuw ! tel est le cri de guerre qui retentit de Gand à Bruges et de Bruges à l’Océan. La fille de Robert, Mathilde, est une apparition toute charmante qui forme le plus gracieux contraste avec ces scènes de vengeance. Enfin, le tableau qui termine tout le roman atteste beaucoup de puissance et d’art. C’est cette bataille de Courtray où toute la noblesse féodale est venue s’ensevelir dans un fossé de la Flandre. D’un côte sont ces brillans seigneurs, Châtillon, Saint-Pol, Raoul de Nesle ; de l’autre, les tisserands, les forgerons, Breydel et de Conynck. La cavalerie féodale croyait avoir bon marché de ces soldats d’un jour ; elle se jeta sur eux avec une folle étourderie et rencontra un fossé énorme où elle s’abîma. La lutte fut terrible encore au fond de ce gouffre ; lutte inutile ! c’en était fait de ces cavaliers désarçonnés, entassés pêle-mêle, écrasés sous le poids de leurs armes et de leurs chevaux. Les Flamands n’eurent qu’à frapper à coups d’épée, à coups de pioche, à coups de maillet. Les moines flamands aidaient les forgerons à cette horrible boucherie ; quatre mille éperons d’or furent suspendus dans la cathédrale de Courtray. M. Conscience, qui a dissimulé autant que possible l’aspect sauvage de son tableau, arrête les yeux du lecteur sur un poétique épisode dont l’éclat rejette habilement dans l’ombre les joies hideuses de la vengeance. Au plus fort de la mêlée, un cavalier inconnu avait attiré tous les regards par l’audace de sa bravoure et la splendeur de son équipement. Son casque était d’or, son armure était d’or ; une hache d’or étincelait dans ses mains. Était-ce saint George, invoqué depuis le matin dans toutes les églises de Courtray ? était-ce le lion de Flandre, échappé par miracle à sa prison et arrivé tout à coup sur le champ de bataille pour décider la victoire ? Robert de Béthune se découvre à ses amis, à sa fille, à son frère le comte de Namur, à ses braves champions Breydel et de Conynck ; puis, enfonçant ses éperons dans les flancs de son cheval, il va regagner sa prison. Le peuple resta persuadé que saint George était descendu du ciel avec son armure éblouissante pour exterminer la chevalerie française.

J’ai dit que le Lion de Flandre révélait un talent plein de vigueur et d’habileté ; l’étude des vieilles chroniques, sans le dispenser de l’invention, a fourni au conteur des élémens précieux qu’il a su interpréter poétiquement et reproduire avec force. C’est ici que M. Conscience a donné toute sa mesure comme artiste. A-t-il réussi de même, si l’on juge non plus seulement le romancier, mais l’écrivain dévoué à son pays, l’apôtre d’une renaissance flamande ? Tous les sentimens qui se font jour dans ce récit sont-ils également dignes d’éloges ? En face d’un parti national aussi, qui croit très justement, selon nous, que l’emploi