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puis lors, si elle n’a pas jeté un éclat bien vif, la littérature de la Hollande n’a pas subi non plus d’interruption notable. On peut dire que la Flandre a eu sa période littéraire au moyen-âge, et la Hollande aux deux derniers siècles.

Malgré ce long abaissement de la littérature dans les Flandres, la langue nationale n’y persistait pas moins, et les efforts tentés contre elle, il y a dix-huit ans, n’ont réussi qu’à faire éclater sa force. On sait que le roi Guillaume avait imposé la langue hollandaise aux tribunaux, aux administrations publiques, à tous les actes officiels de la vie sociale ; lorsque la révolution de septembre 1830 mit fin au royaume des Pays-Bas, une réaction eut lieu en Belgique contre l’idiome des anciens dominateurs. Le flamand, si peu différent de la langue hollandaise, fut sacrifié avec elle, et le français prit sa place. Quelques années se passèrent ainsi ; mais il fallut bientôt reconnaître que la langue flamande, parlée dans le centre et l’ouest de la Belgique, conservée fidèlement dans les campagnes et introduite même au sein des villes, n’accepterait pas sa déchéance. Le vieux caractère national allait montrer une fois de plus sa ténacité patiente, et, au moment même où l’esprit français semblait triompher en Belgique, commençait dans l’ombre une sorte de renaissance à laquelle n’ont manqué ni le bruit passionné des partis ni l’éclat des œuvres littéraires. Déjà, pendant l’existence du royaume des Pays-Bas, un remarquable écrivain qu’une mort récente a enlevé aux lettres, M. Willems, avait consacré toute l’ardeur de sa solide érudition à retrouver les titres de son idiome natal. C’est M. Willems, l’Europe savante ne l’ignore pas, qui a entrepris et mené à bien la publication complète du Roman du Renard (Reinaert), d’après un manuscrit flamand du XIIe siècle ; sa patrie lui doit une traduction en vers flamands modernes de plusieurs poèmes du moyen-âge, une lettre importante à M. Van de Weyer sur la langue belgique (Anvers, 1829), et de nombreux mélanges historiques, de doctes fragmens pleins d’intérêt sur cette ancienne littérature (Mengelingen van vaderlandschen Inhoud, Anvers, 1829). Citons encore M. Octave Delepierre, qui nous a traduit en français le Roman du Renard, publié par M. Willems, et M. Raoux, auteur d’un curieux mémoire sur l’origine des langues flamande et wallonne. Jusqu’ici, on le voit, ce mouvement patriotique se fait surtout par les érudits ; les conteurs et les poètes arriveront bientôt. On nous assure que la poésie, l’histoire, le drame, le roman, ont été tentés avec ardeur par les écrivains de la jeune école. Sans entrer dans l’étude détaillée d’une littérature où il y a sans doute plus de bonne volonté que de productions durables, nous interrogerons l’écrivain qui, par son talent populaire, par le succès de ses romans, par le rôle même qu’il a joué au milieu