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n’est-elle qu’accidentelle ? Faut-il n’y voir qu’un souvenir irréfléchi des défiances léguées par notre première révolution, défiances si ridiculement autorisées par cette étrange politique qui, à l’issue de février et tout en proclamant le respect des nationalités, expédiait des professeurs de barricades à Berlin et à Londres, des bandes armées en Belgique et en Savoie ? Nous voudrions le croire. Malheureusement, les tendances anti-françaises des Allemands ont toujours coïncidé chez eux avec l’idée d’unité nationale, même dans les manifestations les plus pacifiques de cette idée, et comme si elles en étaient partie intégrante. Oublie-t-on la tactique dont usait, à l’apogée même de la dernière période de paix, le Zollverein pour s’annexer la Belgique ? Oublie-t-on cette propagande teuto-flamande naguère si active, ces efforts quotidiens de la Prusse pour ameuter les réminiscences germaniques du peuple belge contre l’alliance française ?

M. de Metternich n’est pas le dernier à se féliciter de cette attitude des Allemands, qui réalise, dit-on, sans responsabilité aucune pour lui, une de ses récentes conceptions politiques. Il paraît constant qu’en apprenant la révolution de février, dont il ne pouvait pas prévoir les retours pacifiques, M. de Metternich s’était à peu près décidé à faire la part du feu aux dépens de l’Allemagne rhénane, que ses velléités révolutionnaires recommandaient peu aux sympathies du vieux diplomate. L’Autriche nous eût laissé reprendre sans intervenir notre frontière du Rhin, à la condition pour nous de ne pas pousser trop loin nos exigences dans la question d’Italie. Le gouvernement autrichien serait ainsi parvenu à assurer ses possessions italiennes, à tenir en échec le libéralisme germanique, placé dès-lors entre deux feux, et à se faire des rancunes nationales de l’Allemagne un rempart contre la contagion du radicalisme français. Ce rempart s’est élevé de lui-même, et le concours donné par le reste des Allemands à l’Autriche est, pour ses possessions italiennes, une garantie bien autrement sûre que les éventualités douteuses d’un nouveau traité de Campo-Formio. L’Autriche n’a obtenu, il est vrai, ce concours qu’en entrant dans l’orbite révolutionnaire de l’Allemagne, ce qui ne laisse pas de déranger les calculs de M. de Metternich ; mais il n’a jamais cru à la durée de la révolution viennoise. « Vienne, dit-il, ne saurait avoir la prétention d’être un centre national comme Londres et Paris. L’empire d’Autriche n’étant qu’une agrégation de nationalités hétérogènes, qui n’ont pour lien commun que la personne de l’empereur, la capitale est partout où il plaira à l’empereur de résider, et les bons bourgeois de Vienne voudront racheter tôt ou tard, par leur soumission, les avantages qu’ils ont perdus par l’éloignement de la cour. » Le jeu a bien ses dangers pour la cour ; mais la faveur qui s’attache à tout changement de règne aidera à la réconciliation. Le nouvel empereur d’Autriche aurait d’ailleurs,