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davantage par sa couleur sur toutes celles qui existent dans le tableau. Depuis un temps immémorial, les marchandes d’oranges exposent leurs fruits sur du papier bleu : c’est que le bleu est la couleur diamétralement opposée à l’orange, et par conséquent la plus propre à faire assortir cette teinte ; mais, comme dans un tableau toutes les nuances du prisme peuvent être réunies, on n’a trouvé que l’or mat ou bruni qui tranchât fortement avec toutes les couleurs. Si l’ébène convient à quelques Flamands, cela tient à ce qu’ils n’ont pas employé le noir pur dans leurs ombres, et, en le réservant pour leurs bordures, ils obtenaient une opposition suffisamment énergique ; enfin, c’était faire valoir la transparence de leurs ombres les plus vigoureuses, que de les entourer d’une teinte plus vigoureuse encore.

Aux exemples que je viens de citer on objectera peut-être les couleurs brillantes appliquées avec succès à l’encadrement de peintures murales. On citera les fresques de Pompéi, ou de petites compositions se montrent au milieu d’une paroi couverte de couleurs très vives et d’arabesques plus ou moins compliquées. Les Loges et les Stanze du Vatican offrent une disposition semblable ; mais on comprend bientôt qu’il n’y a nul rapport à établir entre des peintures murales et des tableaux mobiles. L’accompagnement, l’encadrement qui convient aux premières ne saurait être celui des autres. En effet, dans la plupart des peintures murales, et c’est le cas surtout pour celles de Pompéi, les compositions ne sont que des parties de la décoration générale, et ; pour ainsi dire, que des accidens ou des taches de couleur plus ou moins importantes. Séparer la composition de son entourage, c’est détruire un effet d’ensemble et lui ôter souvent une grande partie de son mérite. Combien de gens, en voyant au Panthéon les compositions des Loges peintes par MM. Balze, ont nié l’exactitude de leur copie ? Mais, enlevées à leur encadrement, Raphaël ne les eût peut-être pas reconnues. Quant aux grandes compositions des Stanze, la dimension des parois est leur cadre naturel, et leur entourage peint a si peu d’importance, que plus d’un amateur aura passé des heures devant l’École d’Athènes sans pouvoir dire de quelle teinte est le soubassement de la salle. À notre sentiment, ce serait un contre-sens notable que de donner au grand salon une décoration peinte dans le genre de celle des maisons de Pompéi ou des Loges du Vatican ; ce serait en quelque sorte subordonner les objets d’art au monument et prendre les ouvrages des maîtres pour des motifs d’ornementation.

Cette loi d’opposition que nous observions tout à l’heure, cette loi si généralement reconnue par les artistes les plus célèbres, doit, on le sent, décider la question que nous avons posée, et nous ne craignons pas d’être contredit par les peintres, en admettant en principe que des fonds dorés sont les plus convenables à un musée de peinture. Il va