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qui lui donne d’immenses frontières et nulle profondeur, la péninsule, dit-il, est trop vulnérable pour prétendre, en cas de guerre européenne, à la neutralité ; l’Autriche a donc le droit de s’assurer d’une barrière que des puissance tierces pourraient tôt ou tard tourner contre elle. Cette barrière, cette frontière naturelle, c’est la ligne de l’Adige avec ses deux points d’appui, Vérone et Legnago ; mais la ligne de l’Adige elle-même serait insuffisante, si elle n’était protégée par la ligne du Mincio, qui a pour base naturelle Peschiera et Mantoue, et dont Venise est le prolongement non moins naturel. Donc, avec Vérone et Legnago, l’Autriche ne peut se dispenser d’occuper Venise, Peschiera et Mantoue. L’Autriche et M. de Metternich consentent à arrêter là leurs déductions stratégiques ; mais c’est par pure complaisance, on l’avouera. À ce compte, rien n’empêcherait la France de revendiquer le versant espagnol des Pyrénées, comme le complément naturel de sa frontière méridionale, sauf à demander aussitôt après la ligne de l’Ebre pour appuyer ses nouvelles possessions.

Pour l’Allemagne comme pour l’Italie, M. de Metternich ne voit pas d’unité possible en dehors d’une simple confédération d’états, soit monarchique, soit républicaine. La création du pouvoir central de Francfort, dont les idéologues d’outre-Rhin ont fait la pierre angulaire du futur empire allemand, a toujours soulevé, chez le vieux diplomate, une incrédulité railleuse. De deux choses l’une, selon M. de Metternich : ou le pouvoir central respectera la prérogative des trente-huit souverainetés de l’ancienne confédération germanique, et alors il cessera d’être central et souverain pour devenir une superfétation ridicule, un trente-neuvième pouvoir dans la confédération ; ou bien il essaiera de confisquer et d’absorber ces souverainetés, et alors cette tentative d’unité n’aura abouti qu’à la guerre civile. Les prétentions du Vor-Parlement à la souveraineté absolue ont déjà suscité un conflit grave entre cette assemblée et le gouvernement hanovrien Le gouvernement prussien s’est prononcé non moins formellement contre ces prétentions en déclarant que, s’il adhérait à l’élection de l’archiduc Jean, sans avoir été préalablement consulté, c’était en considération de l’urgence et sous la condition qu’on ne se prévaudrait pas dans la suite de ce précédent tout exceptionnel. Les peuples ne seraient pas de meilleure composition que les gouvernemens. Les nombreuses capitales de l’ancienne confédération se résigneraient difficilement à descendre au rang de simples chefs-lieux de province ; Munich, Berlin, Vienne, n’accepteront jamais la suprématie de Francfort. Si cette lutte reste encore à l’état de symptôme si le pouvoir central fonctionne sans trop de difficulté, cela tient au caractère exceptionnel des circonstances. L’Allemagne, après février, croyait à la guerre : princes et peuples ont fait trêve d’un tacite accord à leurs susceptibilités pour se