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makhzen a dû subir des modifications commandées par les besoins imprévus. Le budget subdivise en deux classes ces milices locales : 1° celles qui obéissent directement aux autorités, 2° celles qui sont mises à la disposition des chefs indigènes. Les premières, inscrites sous la dénomination de troupes auxiliaires, se composaient, en 1847, de 1,690 cavaliers du makhzen, de 162 khiela chargés de la correspondance, et de 681 askar : la dépense totale était de 758,811 francs. Les autres corps recrutés directement par les chefs arabes formaient alors un effectif de 595 cavaliers et 450 fantassins ; ils figuraient à la charge de l’état pour 300,000 francs. Il est incontestable que ces troupes irrégulières, agissant sur place, facilitant le commandement des Arabes éloignés de nos points d’occupation, épargnent à l’armée des déplacemens et des fatigues qui causeraient une dépense bien plus considérable encore. On doit citer comme un fait digne de remarque que, dans la province de Constantine, qui est vaste comme quinze départemens français, moins de 500 hommes payés à raison de 1 franc par jour suffisent pour entretenir la sécurité des routes et faire le service des dépêches.

À mesure que notre autorité se consolidera, nous aurons moins besoin d’utiliser le crédit des chefs indigènes. Dans plusieurs localités, l’influence morale, de nos bureaux arabes efface déjà le prestige des grandes familles. Dans l’origine, un officier, attaché au cabinet du gouverneur-général sous le titre d’agha des Arabes, fut spécialement chargé de nouer des relations pacifiques avec les tribus de l’intérieur, et de faire exécuter, au-delà des avant-postes, les mesures répressives qui ne nécessitaient pas une expédition en règle. Ce fut le premier germe de l’institution la plus féconde. Une surveillance mal définie était confiée au libre arbitre d’un officier isolé. L’expérience fit sentir que les rapports avec les indigènes, l’intervention dans leurs démêlés, la tutelle de leurs intérêts, constituaient une portion considérable de la souveraineté. En conséquence, le général Damrémont supprima la charge d’agha des Arabes et la remplaça par une direction centrale qui devait renouer toutes les affaires arabes à la politique générale de la haute administration. À peine eut-on le temps de mettre à l’épreuve ce nouveau mécanisme. Le soulèvement des tribus, en 1839, ne laissa plus de place à l’intervention pacifique de nos officiers, et les rapports avec les indigènes rentrèrent dans les attributions de l’état-major. Tant que dura la crise, on n’eut plus que des ennemis à combattre, au lieu de sujets à administrer.

À l’arrivée du maréchal Bugeaud, en 1841, il ne restait plus de l’institution primitive qu’un souvenir. Un de ses premiers actes fut de rétablir la direction des affaires arabes, en élargissant les bases posées par ses prédécesseurs. Pendant les trois ans qui suivirent, chaque pas fait en avant par l’armée, chaque territoire occupé, chaque tribu soumise agrandît