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nous en avions tous fait un avant d’avoir appris à penser. » Supprimons la cause, supprimons la liberté de la presse, et, d’après M. de Metternich, l’effet disparaîtra.

M. de Metternich a la prétention de saisir plus d’une autre nuance de notre esprit national. On disait, après juin, devant lui, que la guerre était imminente de notre côté : « Moins que jamais, dit-il ; la France est gouvernée par des généraux. » Et, en effet, ne visons-nous pas tous un peu au mérite de la spécialité qui ne nous appartient pas ? Le pouvoir rend nos avocats trop belliqueux pour qu’en retour il ne rende pas nos généraux un peu pacifiques. M. de Metternich, disons-le, ne se bornait pas à ces appréciations pittoresques. Si le gouvernement français craignait d’après lui, la guerre, c’est parce que la guerre eût livré Paris à la république rouge en le dégarnissant de soldats. M. de Metternich ne croit pas, du reste que les commotions qui déplacent aujourd’hui les nationalités européennes puissent se terminer sans conflit général, conflit où la France sera, bon gré malgré, enveloppée, et d’où elle ne sortira que par la restauration ou le partage… monarchique ou moscovite ! C’est le mot de Napoléon retourné ; ce n’est encore heureusement qu’un mot.

M. de Metternich ne croit à l’unité politique absolue ni pour l’Italie, ni pour l’Allemagne. D’après lui, la centralisation est incompatible avec les mœurs, les habitudes séculaires des populations italiennes. Leur patriotisme est limité dans les bornes de la cité, ou tout au plus de la province. Les rivalités qui divisent les villes de la péninsule peuvent momentanément se taire devant un sentiment commun de haine contre l’étranger, mais renaîtraient plus violentes que jamais le jour où il s’agirait de régulariser et de consolider cette unité factice née de l’état de guerre, car chaque ville ; chaque état, revendiqueraient la suprématie. M. de Metternich voit dans les intérêts matériels un obstacle non moins grave à l’unité italienne. La similitude presque absolue des produits n’admet que peu ou point d’échanges entre les différentes parties de la péninsule. L’activité commerciale de l’Italie est toute à l’extérieur, c’est-à-dire dans les ports de mer, et, de ce côté, l’unité susciterait, d’après M. de Metternich, des antagonismes formidables. Plusieurs ports italiens ne doivent leur commerce qu’au fractionnement territorial qui assigne à chacun d’eux un centre de production et de consommation distinct. Le jour où en l’Italie ne formerait qu’un seul état, Gènes, Ancône et Naples écraseraient bien vite Livourne, Venise et Civita-Vecchia. La seule sorte d’unité à laquelle l’Italie puisse, selon lui viser, consisterait en une république fédérative qui laisserait à chaque état son individualité, et qui, dans aucun cas, ne saurait soustraire la Péninsule au protectorat étranger. C’est là qu’est toujours le point essentiel pour M. de Metternich. Par sa configuration géographique,