et à tailler pour lui les habillemens les plus ingénieux, en se servant de qu’elle avait de plus beau dans sa garde-robe de mariée ; pour elle, elle portait toujours une robe noire avec un chapeau de paille garni d’un ruban noir, au grand déplaisir de sa mère, qui avait pris goût à la toilette, surtout depuis ses malheurs. Amélie donnait ce qui lui restait de temps à sa mère et à son vieux père. Elle avait appris à jouer aux cartes pour faire la partie du vieillard les soirs où il n’allait pas à son club. Elle chantait quand il le désirait, et c’était bon signe, car il ne manquait jamais alors de s’endormir paisiblement. Elle écrivait ses innombrables notes, lettres, prospectus et projets.
Ce fut par une circulaire de sa main que les anciennes connaissances de M. Sedley furent informées qu’il était devenu l’agent de la compagnie houillère du Diamant noir, et qu’il était en mesure de fournir à ses amis et au public du charbon de première qualité. Tout ce qu’il fit, ce fut d’apposer aux circulaires sa signature et son paraphe, et d’y mettre l’adresse d’une écriture tremblée, vraie écriture de vieux commis. L’un des exemplaires fut envoyé au major Dobbin. Le major, qui était alors à Madras, n’avait guère besoin de houille. Il reconnut cependant la main qui avait écrit le prospectus ; que n’aurait-il pas donné pour serrer cette chère main entre les siennes ! Bientôt un second prospectus arriva, informant le major que Jean Sedley et compagnie, ayant établi des correspondances à Oporto, Bordeaux et Sainte-Marie, pouvaient offrir au public et à leurs amis les vins les meilleurs et les plus recherchés de ces provenances, à des prix raisonnables et à de bonnes conditions. Sur cette information, Dobbin se mit à tourmenter sans relâche le gouverneur, le commandant en chef, les juges, les officiers des régimens, tous ceux qu’il connaissait à la présidence. La maison Sedley et compagnie reçut des commandes qui remplirent d’étonnement M. Sedley et son commis, qui était à lui seul la compagnie.
Hélas ! ce fut tout ; rien ne réussit plus après cette première bouffée de bonne fortune inespérée. Déjà le négociant émerveillé avait pensé à créer une maison dans la Cité, à enrôler un régiment de commis, à faire construire un dock pour son usage personnel et à couvrir le monde de correspondans ; mais les vins et les charbons qu’il avait envoyés étaient détestables : le major Dobbin fut accablé de malédiction, reprit une grande partie de ce vin et le vendit à la criée, non sans une perte notable.
Jusqu’au moment fatal où le vieux Sedley s’avisa de faire le commerce des vins et de la houille et de lancer des prospectus magnifiques, les affaires du petit ménage ruiné n’allaient pas trop mal. Joseph Sedley, le nabab qui était retourné à son poste dans les Grandes-Indes, faisait payer régulièrement à son père une petite pension. Le soir, à son club, Sedley avait encore le plaisir de parler millions, de discuter