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jour Deux autres volumes compléteront plus tard l’œuvre de M. Guizot. Il ne se borne pas à étudier incidemment la révolution de février : un travail de lui sur la démocratie en France est déjà sous presse. L’ancien président du conseil supporte les ennuis de l’exil avec une sérénité fort explicable : l’Angleterre est, en effet, pour lui, une sorte de patrie littéraire et religieuse ; il voudrait l’oublier que les témoignages de déférence dont l’entourent les notabilités politiques et universitaires de ce pays, si exclusif dans son engouement national, si ombrageux pour toute supériorité étrangère, le lui rappelleraient chaque jour. Le légitime orgueil qui a fait, pendant sept ans, la force et presque le génie de M. Guizot est d’ailleurs assez vaste pour l’abriter contre les chagrins d’une défaite. On lui attribue ce mot : « Nous nous sommes retirés, et le lendemain il y avait une révolution ! » C’est là tout l’homme, et c’est aussi sa pensée politique. Louis-Philippe voit presque toute la révolution dans le coup de pistolet de l’hôtel des Capucines. Pour M. Guizot, la révolution était faite du moment ou la couronne avait capitulé devant l’émeute ; car, Dès ce moment, l’émeute était en quelque sorte légalisée, le pays devait abandonner qui l’abandonnait. M. Guizot est d’ailleurs convaincu que la révolution n’avait aucune raison d’être fondamentale ; la preuve, c’est qu’elle s’est montrée dépourvue de toute initiative, de toute idée en propre dans le bien comme dans le mal, — parodiant, quand elle a voulu détruire, les passions désormais vides de 93, reprenant timidement et gauchement en sous-oeuvre, quand elle a voulu constituer quelque chose, la politique intérieure et extérieure du gouvernement tombé. C’est surtout dans notre politique extérieure que M. Guizot trouvait l’imitation malheureuse et inintelligente. — La révolution a dû se résigner à admettre, avec le gouvernement de juillet, que la paix était, à tout prendre, la meilleure condition de sécurité au dedans et d’influence au dehors, disait en substance l’ancien ministre ; mais elle a «  complètement gâté » ce système en voulant l’approprier aux passions d’où elle était sortie. La France de juillet propageait la liberté par les gouvernemens, » et elle y réussissait chaque jour en Espagne, en Allemagne, en Italie. La France de février a voulu, au contraire, fonder la liberté par les peuples, et qu’est-il arrive ? Les gouvernemens, nous voyant agir sans eux et contre eux sur leurs propres sujets, se sont tacitement coalisés contre nous. Les peuples, peu rassurés sur les visées extérieures d’une révolution qui ressuscitait à l’intérieur les tendances de l’ancienne, n’ont répondu qu’à la moitié de notre appel, acceptant nos idées de désordre sans accepter notre alliance, et les nationalités que nous patronions, la Pologne et l’Italie, portent déjà le poids de cette double hostilité. L’action de la France, qui apportait naguère partout l’ordre et la liberté, ne se manifeste ainsi aujourd’hui que sous un aspect malfaisant. Il n’y a plus