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naturelles de ses principes, le régulier développement de son institution.

Quand on fait une république, apparemment c’est pour ne pas avoir de roi. Un roi, c’est un chef du pouvoir exécutif qui a reçu son pouvoir de sa naissance et qui ne peut être tenu, au moins dans sa personne de rendre compte de l’usage qu’il en fait. À la place d’un tel chef, on en veut avoir un ou plusieurs qui tiennent leur droit directement du choix des citoyens et qui soient appelés, soit toujours, soit à des époques fixes, à en justifier l’exercice. Ou l’on veut cela, ou l’on ne veut pas de république.

Toute forme républicaine, par conséquent, donne immédiatement naissance à ces deux questions : Comment sera élu le chef du pouvoir exécutif ? quand, comment, dans quelle mesure, devant quelle autorité sera-t-il responsable ?

Élection, responsabilité du chef du pouvoir exécutif, ce sont là les deux pierres angulaires, les deux caractères constitutifs de la forme républicaine. C’est par là qu’elle diffère de la monarchie. La république est tout entière dans ces deux mots.

Mais voici qu’il s’est trouvé en France des républicains qui sont tels depuis qu’ils sont au monde, qui se vantent de n’avoir respiré, pensé, vécu que pour la république, qui ont, pour elle, non pas tout-à-fait risqué leur vie, quoi qu’ils en disent, mais hasardé quelque chose qui devrait leur être plus cher que la vie même, je veux dire le repos de leurs concitoyens et la grandeur de leur patrie ; des hommes dont la république est l’idée fixe, qui l’adorent comme le sauvage adore sa divinité grossière. Ces hommes ont été mis en mesure d’élever enfin la statue de leur idole, et quand il a fallu mettre la main à l’œuvre, arrivés en face de ces deux questions fondamentales, ils se sont arrêtés tout d’un coup, bouche béante : ils n’y avaient jamais pensé ! Jamais ils ne s’étaient posé la question de savoir ni comment on s’y prendrait pour élire le chef du pouvoir exécutif dans un grand état de manière à lui donner une force suffisante qui ne fût pourtant pas excessive, ni comment on lui imposerait une responsabilité sérieuse, qui, en l’abaissant au-dessous des lois, ne le rendît pourtant pas inférieur à son mandat. Jamais ces deux grands problèmes de la forme républicaine ne s’étaient présentés à leur esprit. Ils n’avaient pas de solution prête : à peine s’ils avaient l’intelligence de la difficulté. Dans les veilles de la prison, dans les loisirs de l’opposition, dans les débats des sociétés secrètes, leur pensée, toujours tendue vers un même objet, ne s’était jamais abaissée à des réflexions si simples.

Tel est, on se le rappelle, l’étrange spectacle que donna, il y a, trois mois, dans la discussion de la constitution, le débat sur le mode d’élection du président de la république. Le ferait-on élire par l’assemblée nationale ? Laisserait-on ce choix critique à la grande épreuve du suffrage