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dut s’accomplir : « Que ce qui doit périr aille à la mort, et que ce qui doit être retranché soit retranché. » Le catholicisme, attaqué par le jansénisme, qui fut, comme on pourrait dire de nos jours, une opposition dynastique au sein de l’église, le catholicisme succomba sous les coups de la philosophie révolutionnaire. Alors il eut à subir les humiliations les plus cruelles qu’il eût éprouvées dans ses plus mauvais jours. La révolution donna la victoire à l’incrédulité religieuse. On vit les églises profanées, les prêtres persécutés ; doublement heureux furent les martyrs, car ceux qui s’enfuirent furent réduits à vivre chez l’étranger des aumônes d’un autre culte. Le pape mourut en captivité, et, en voyant l’église sans chef, les ennemis de la papauté purent croire un instant qu’ils avaient tué le catholicisme ; mais l’éclipse fut courte. Le catholicisme reparut au XIXe siècle, accueilli avec joie par les intelligences d’élite, honoré même dans son passé par les dissidens et les philosophes les plus éminens, puissant au cœur des peuples, plein de vie en ses œuvres. Qu’avait-il perdu à cette dernière épreuve ? La triste solidarité qui l’avait uni au despotisme politique, le vasselage fatal qui avait attaché les autels aux trônes. Que devait-il gagner ? La liberté religieuse, c’est-à-dire la plénitude de sa souveraineté dans son légitime domaine. Il devait sortir de la révolution glorifié par ses martyrs, fortifié par l’intelligence et l’amour de la liberté.

Je ne veux pas suivre dans les détails les diverses fortunes politiques du principe d’autorité à travers la révolution française, pour ne point entrer dans la polémique du jour. Il y a quelques années, lorsque M. de Falloux écrivait la vie de Louis XVI, il semblait que l’on pût apprécier la révolution comme une chose accomplie et lointaine. Aujourd’hui les lignes de la perspective révolutionnaire se sont de nouveau confondues pour nous, comme on perd l’harmonie d’un site lorsqu’on en est trop rapproché. Porter un jugement sur le passé de la révolution, c’est maintenant entrer dans le vif des questions quotidiennes, avec l’incertitude et peut-être les erreurs inséparables des opinions militantes. Il y a cependant une question générale qui naît si naturellement du livre de M. de Falloux, que je crois devoir m’y arrêter. En retraçant en des pages simples, pieuses, émues, l’histoire de Louis XVI, M. de Falloux fixe notre attention sur le problème qui me paraît le plus intéressant à résoudre pour le repos de toutes les consciences honnêtes, de toutes les intelligences probes, de tous les amis vrais de la liberté. « Louis XVI, dit M. de Falloux, monta sur le trône pur, mais timide, libéral, mais isolé, et avec toutes les vertus qui rendent plus manifestes l’intervention divine et les châtimens providentiels. » En Louis XVI en effet se réunissent les contradictions les plus effrayantes de la révolution française. Il est la démonstration vivante de la légitimité et de la nécessité de la révolution ; il est la victime sur