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mouvemens historiques aussi intéressans à étudier que la renaissance catholique qui suivit l’explosion de la réforme. Ce grand phénomène a été complètement décrit dans l’admirable livre du professeur Léopold Ranke sur la papauté au XVIe et au XVIIe siècle. M. de Falloux en a raconté dans l’histoire de Pie V le plus glorieux épisode. Comment se fait-il que la réforme, après avoir conquis la moitié de l’Europe en quelques années, voie tout à coup sa force d’impulsion arrêtée et reperde même à jamais le terrain qu’elle avait conquis dans certains pays ? Comment la papauté a-t-elle réussi à raffermir et à consolider sa domination spirituelle si violemment ébranlée ? Quelle est l’explication et la conséquence de cette contradiction historique ?

Pour bien comprendre ce mouvement, il faut d’abord se faire une idée de la situation du protestantisme et du catholicisme en Europe cinquante ans après que Luther eut brûlé la bulle de Léon X sur la place de Wittenberg. Dans le Nord, la victoire du protestantisme avait été rapide, irrévocable. La réforme y avait été accueillie par l’unanimité des croyances, des passions et des intérêts : comme une régénération du christianisme par la sévère piété et l’austérité de mœurs des races teutoniques, comme un accroissement de puissance par les princes empressés de réunir la souveraineté spirituelle des papes à leur pouvoir temporel, comme un coup de fortune par les nobles avides de s’enrichir des dépouilles des abbayes, enfin comme un affranchissement national par des peuples trop éloignés de Rome, trop antipathiques aux races méridionales pour supporter sans impatience une autorité qu’ils regardaient comme une domination étrangère. La réforme triompha ainsi en Angleterre, en Écosse, en Danemark, en Suède, en Prusse, en Saxe, dans la Hesse, le Wurtemberg, le Palatinat, et quelques parties de la Suisse. Là, elle eut les gouvernemens en même temps que les populations ; là, elle réunit à l’enthousiasme religieux la force politique. Au midi, l’Italie et l’Espagne restèrent seules inébranlablement dévouées à la papauté : l’Italie, qui devait à la souveraineté religieuse de Rome tout son éclat, toutes ses richesses ; l’Espagne, qui venait à peine d’achever contre les Maures sa croisade de huit siècles ; l’Espagne, pour laquelle le catholicisme était le génie de l’indépendance nationale, et pour ainsi dire l’ame de la patrie si laborieusement reconquise sur les musulmans. Entre les Pyrénées, les Alpes et les bords de la Méditerranée d’un côté, et de l’autre les nations du Nord que nous énumérions tout à l’heure, la partie moyenne de l’Europe servit de champ-clos au duel du protestantisme et du catholicisme. Ce n’était rien moins que la France, la Belgique, l’Allemagne méridionale, la Hongrie et la Pologne. Les gouvernemens de ces pays n’avaient pas rompu leurs liens avec Rome ; mais le protestantisme y comptait au sein des populations des partisans religieux et politiques,