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voyez comment le principe d’autorité a résisté aux coups que lui ont portés le libre examen au XVIe siècle et l’incrédulité au XVIIIe. Voulez-vous savoir ce que la cause véritable de la civilisation demande de vous ? voyez quelles furent, dans les luttes antérieures, les prétentions absolues des deux partis extrêmes, et comparez ces violentes exigences aux progrès pratiques qui sont sortis du conflit et l’ont deux fois terminé. Mais se mêler aux événemens contemporains sans avoir devant sa pensée une vue arrêtée du mouvement des idées et des choses depuis la réforme, c’est tomber dans la politique de notre époque comme un homme ivre, c’est se livrer comme un jouet au flot qui va et vient, c’est entrer dans la lice non comme un soldat de Dieu et de la raison, mais comme un mannequin du hasard.

Cette vérité a été comprise de bonne heure par une portion très considérable de notre jeunesse, qui peut-être jusqu’ici a eu le tort de trop peu laisser voir au public la solidité de ses mérites. Je parle de cette jeunesse studieuse, virile, chrétienne, qui, tandis que d’autres préparaient des désastres à la France par des conspirations politiques, ou des déclamations brutales, ou une insouciante frivolité, ou des dissipations grossières, se formait, elle, à nos mœurs publiques par de sérieux exercices, s’unissait au peuple, aux pauvres, aux souffrans de notre état social par les œuvres de charité les plus zélées, les plus intelligentes, et semblait s’apprêter aux épreuves qui nous étaient réservées par la mâle générosité de ses convictions et de sa conduite. Cette jeunesse est entrée déjà par plusieurs de ses membres dans l’assemblée constituante. Une des forces de cette génération, c’est d’avoir pris un parti résolu et décisif sur le christianisme et la fin de la révolution française.

M. de Falloux est un des membres les plus distingués de ce groupe, un de ceux dont les débuts politiques ont déjà fixé l’attention. Lorsque nous l’avons vu faire acte de courageuse initiative dans les circonstances les plus critiques que l’assemblée nationale ait traversées, quand plus tard nous l’avons vu entrer dans le premier ministère qui depuis un an ait répondu aux vœux de l’immense majorité du pays, nous avions des motifs particuliers d’accompagner de nos sympathies et de nos espérances ces commencemens de la carrière de M. de Falloux. Depuis son entrée à la chambre des députés, peu de temps avant la fin du dernier règne, nous regardions M. de Falloux comme un des hommes en qui et par qui devra se faire la réconciliation de la vieille France et de la France nouvelle, qui seule finira nos malheurs. En politique, en religion, M. de Falloux appartenait au parti qui a gardé le dépôt des principes et des intérêts traditionnels de la France ; mais son âge, ses études, ses habitudes actives, le rangeaient dans la société nouvelle. Il se trouvait naturellement placé dans cette situation