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par le magnétisme, et des alchimistes qui faisaient de l’or, quand nos savans sont sur le point de faire du diamant. Les croyances des vieux âges finissent toujours par se justifier. Les prétendues erreurs du passé ne sont le plus souvent que les ignorances du présent ; nos progrès témoignent seulement de nos oublis ; quand nous croyons découvrir une Amérique, il se trouve toujours que nos ancêtres l’avaient peuplée mille ans auparavant.

Ainsi retombé sa thèse favorite, le percepteur continua à entasser les citations et les argumens pour me prouver que les anciens avaient tout connu, tout approfondi, et que rire de leur crédulité, c’était, presque toujours, jouer le rôle de cet aveugle qui raillait les clairvoyans de croire au soleil. Je connaissais déjà assez bien l’innocente manie du vieux soldat pour savoir qu’une adhésion complaisante l’arrêtait court : un peu de contradiction lui était nécessaire en guise d’éperon. Je me mis donc à le combattre, mais sans trop de chaleur, comme un homme qui veut bien qu’on le persuade, et je finis par proposer une visite au sorcier du Petit-Haule. Comme sa cabane était sur notre route, le capitaine accepta sur-le-champ et pria Ferret de nous conduire. Ce dernier accueillit la demande avec une répugnance visible. Soit que les raisonnemens de mon compagnon eussent confirmé ses terreurs superstitieuses, soit qu’il eût quelque motif particulier d’éviter Guillemot, il ne céda à notre insistance qu’après avoir épuisé tous les moyens de nous retenir.

Nous tournâmes à gauche par un chemin creux qui nous éloignait de la mer. Des touffes de houx, au feuillage sombre, bordaient les deux fossés. À chaque percée, nous apercevions les derniers rayons du soleil couchant qui semblaient barrer l’horizon comme une muraille rougeâtre ; le reste du ciel était d’un gris d’acier, et l’on commençait à sentir l’âpreté de la bise. Le chemin, creusé comme le lit d’un torrent, semblait parfois sortir de ses berges pour traverser des plateaux découverts où l’on apercevait à peine quelques hameaux épars et de faibles traces de culture. Plus nous avancions, plus le paysage devenait aride et désert. Nous arrivâmes enfin à un carrefour au milieu duquel gisaient les débris d’une croix de pierre. Notre guide nous dit qu’elle portait dans le pays le nom de Croix des Garoux. C’était là que les malheureux condamnés à porter la haire, ou peau de loup, qui les oblige a courir le varou, venaient recevoir, chaque nuit, la correction d’une main invisible ; car, en Normandie, les garoux ne sont point, comme ailleurs, des sorciers qui se transfigurent pour porter chez leurs voisins la terreur ou le ravage, mais des damnés qui sont restés éveillés dans leur fosse, comme les vampires de la Valachie, et qui, après avoir dévoré le mouchoir arrosé de cire vierge qui couvre le visage des morts, sortent malgré eux de la tombe et reçoivent du démon la haire