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LES RÉCITS


DE


LA MUSE POPULAIRE.




LE SORCIER.




I.

Égaré dans quelque capricieuse excursion ou dans quelque chasse hardie, n’avez-vous jamais poussé un cri de joie en découvrant, derrière les aubépines, un de ces toits de chaume que brodent les saxifrages et que couronnent les touffes de bluets ? Poussé par la fatigue et par la faim, ne vous êtes-vous jamais assis près du foyer fumeux pour rompre, dans le lait encore tiède, le pain du paysan ? Si vous l’avez fait, le souvenir vous en est resté, et, malgré tous les raffinemens des tables opulentes, votre pensée s’est reportée sans doute plus d’une fois vers ce repas des bergers de Virgile : Pressi copia lactis. Ainsi en est-il de la tradition populaire. Au milieu de toutes les délicatesses de l’art, nous nous rappelons avec ravissement la vieille chanson écoutée en traversant la lande, ou le conte entendu au coin d’un feu de sarmens. C’est là aussi le lait et le pain noir de l’imagination villageoise ; rien ne peut nous en faire oublier la rustique saveur. C’est qu’à part ses graces