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LE


ROMAN DE MŒURS


EN ANGLETERRE.




LA FOIRE AUX VANITÉS.
(Vanity Fair), by William Makepeace Thackeray.




Le romancier occupe une grande place dans la littérature moderne, et cette place est légitime. À lui seul il appartient de reproduire la complexité singulière des époques de décadence, traits bizarres, caractères mêlés, arabesques et enroulemens étranges, reflets variés. Il est le raconteur, l’analyste, le poète épique en prose des temps qui, privés de simplicité, de grandeur et d’unité, cachent des profondeurs mystérieuses et des gouffres redoutables. Après que le lyrisme a fait retentir le cri des passions, des regrets et des désirs, on voit le drame s’ensevelir sous les décorations ; puis le roman, narration animée, infinie, reployée sur elle-même en mille détours pleins de caprices, vient exercer sur la foule une magie irrésistible. Malheureusement c’est une forme littéraire, facile autant que séduisante. Le raconteur en prose, maître de ressources sans bornes, oublie aisément les contraintes de