en 1776, et il a constaté en 1836 que, dans ces soixante années, la limite extérieure de la rade n’avait pas éprouvé, sauf entre le Snouw et le Braeck, de déplacement sensible ; mais il n’a malheureusement pas trouvé que la même fixité régnât du côté de la terre. Le génie de la place remarquait en 1764 que, depuis le comblement de l’entrée du canal de Mardyck, la laisse de basse mer correspondante avait reculé de près d’un kilomètre. Le flot qui, sur les plans levés par ordre de Vauban en 1706, bat en dehors du chenal les murs de la citadelle s’arrête maintenant à 1,100 mètres de ce point. Le phare, le bassin des chasses, le nouveau débouché des eaux intérieures, sont établis sur des atterrissemens tout récens. Ainsi, le rivage s’avance vers le banc qui l’attend de l’autre côté de la rade ; celle-ci subit un rétrécissement graduel, et, si les causes n’en étaient point combattues, elle aurait tôt ou tard le sort de ce Swyn, situé au nord de Bruges, qui passait au moyen-âge pour capable de recueillir toutes les flottes de l’univers : elle finirait par se combler. Dunkerque deviendrait alors une ville maritime de l’ordre de Gravelines, et la France, sans point d’appui sur la mer du. Nord, descendrait d’un degré dans le rang qu’elle occupe parmi les nations. Nous n’avons jamais rien fait pour prévenir cette déchéance, et les travaux exécutés sur la côte ont eu plus d’une fois pour effet d’en rapprocher l’éventualité. J’ai la ferme confiance que ce malheur pourrait être indéfiniment reculé, et je m’abuse beaucoup si l’étude attentive des forces naturelles auxquelles est due la formation de la rade et un soin méthodique à les seconder ne conduisaient pas à ce but.
Au premier aspect de la carte marine des parties de la mer du Nord qui avoisinent le Pas-de-Calais, l’œil est frappé de la concordance de formes et de direction des nombreux bancs de sable dont elles sont parsemées. Tous sont allongés, étroits, et s’inclinent vers le nord-est ; ils sont particulièrement amoncelés près de l’embouchure de la Tamise et le long de la côte de Flandre ; le canal de plus grand brassiage tient le milieu entre l’Angleterre et le continent, et aboutit au détroit. Cette sorte de sillonnement sous-marin est tracée par les courans des marées que la Manche vomit et rappelle alternativement. Du cap Gris Nez qui forme de notre côté l’étranglement du Pas-de-Calais, jusqu’au-delà d’Ostende, le flot et le jusant côtoient le rivage ; la rade de Dunkerque ressemble au lit d’un fleuve dont la profondeur se maintient par la réaction du courant sur le fond. On n’a pas oublié que le flot qui s’empare, au sortir du chenal de Gravelines, des vases de l’Aa, les amène dans la rade, et que, poussé à la côte par les vents du large, ce limon se dépose partout où il rencontre du calme. Si donc une série d’épis enracinés au rivage neutralisait le courant qui le suit, les intervalles seraient bientôt comblés. Cet effet est celui que produisent déjà dans