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fondée sur un titre litigieux ; il offrit 4 millions, et conclut à 5. Le traité fut signé à Londres le 17 octobre, et, au moment où s’échangeaient les ratifications, le public croyait le marché rompu. L’indignation n’en éclata, dès que la vérité fut connue, qu’avec plus de violence dans la ville et dans le parlement ; elle gagna la garnison même de Dunkerque, qui ne voulait plus évacuer la place. Le comte d’Estrades, venu pour en prendre possession, conféra de cette résistance inattendue avec Pierre Faulconnier, grand-bailli de la ville, qui connaissait le gouverneur et les autres officiers-majors. Le bailli fut d’avis que le plus court et le plus sûr était de leur offrir de l’argent, et, dans son zèle pour le service de sa majesté, il se chargea de la commission. M. d’Estrades lui ayant marqué jusqu’à quelle somme il pouvait aller, il sut, dit son fils, qui a écrit cette histoire, répandre si à propos ce métal avec lequel on vient à bout des choses les plus difficiles, que le lendemain 29 novembre, le gouverneur et les officiers firent embarquer toute la garnison. Il était temps les Anglais rencontrèrent en mer la défense que leur envoyait le parlement de remettre Dunkerque. Le courrier qui la portait revint à Londres avec le gouverneur, et le seul accusé de corruption dans cette affaire fut lord Clarendon, à l’intégrité duquel l’Angleterre et la postérité ont plus tard rendu hommage.

Louis XIV, qui n’avait fait que paraître à Dunkerque après la bataille des Dunes, y accourut après l’acquisition. Il fit la route à cheval et parti de Paris le 30 novembre au soir, il arriva, par Boulogne et Calais, le 2 décembre, à trois heures après midi. Il avait alors vingt-quatre ans, et, à peine délivré de la tutelle de Mazarin, il était affamé du plaisir de gouverner par lui-même. Il signala sa bienvenue par la déclaration de franchise du port qu’on a depuis si souvent invoquée, et régla pendant son séjour les principales affaires du pays. En 1667, nous reprenions Bergues, Furnes, Courtray, Tournay, et bientôt après le traité d’Aix-la-Chapelle nous en conférait la souveraineté. Dunkerque cessait d’être une possession isolée, et Vauban venait projeter de nouvelles fortifications. Son voyage de 1668 devait être suivi de quinze autres, dont le dernier eut lieu en 1706, et pendant ces trente-huit années, tout ce qui s’est fait de grand dans le pays a été provoqué ou dirigé par lui. En 1670, le roi termina sa tournée en Flandre par Dunkerque. Il y revint le 3 mai 1671, et ne repartit que le 27 ; il s’était fait précéder par l’établissement d’un camp de trente mille hommes, auquel il fit exécuter les projets de Vauban sur le port, et les fortifications. Chaque matin, au signal donné par le canon, dix mille hommes venaient sur les travaux prendre la pelle, la hotte et la brouette ; les deux autres tiers du camp leur succédaient de cinq en cinq heures. Le roi montait à cheval deux fois par jour, et les soldats firent sous ses yeux des prodiges de vigueur, de constance et d’adresse. Les soldats d’aujourd’hui