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et trois corvettes anglaises, embossées en avant, empêchaient par leur feu la cavalerie espagnole de se déployer en face d’elle.

À huit heures du matin, l’armée française, rangée en ligne droite sans laisser aucun vide de la mer au canal, et marchant au petit pas, comme à la parade, abordait l’ennemi. — Avez-vous déjà vu donner des batailles ? dit au duc de Glocester le prince de Condé, qui venait de juger des dispositions des deux armées. — Non, dit le duc. Eh bien ! reprit le prince, d’ici à un demi-heure vous saurez comme on en perd une. Les Espagnols occupaient au centre une dune escarpée qui dominait tout le champ de bataille. Les Anglais de Cromwell l’attaquèrent avec la plus grande bravoure, atteignirent le sommet en se poussant les uns les autres avec les crosses de leurs fusils, et renversèrent l’ennemi ; mais ils y furent bientôt assaillis par les masses de l’infanterie espagnole, et ce point devenait le pivot de toute l’affaire, lorsque le marquis de Castelnau, qui commandait la cavalerie sur l’estran, fit une conversion par sa gauche, et, chargeant en flanc cette infanterie, la rompit et la mit en fuite. Les choses se passaient autrement près du canal de Furnes, où commandait le prince de Condé : il arrêtait notre aile droite ; puis, voyant la bataille perdue, il réunit, par une de ces inspirations soudaines du champ de bataille qui lui étaient familières, tout ce qui se trouvait de cavalerie à sa portée, et fit une charge furieuse pour se jeter dans Dunkerque par une trouée au travers de nos rangs. Repoussé, il revint deux fois à la charge avec une égale fureur ; mais le maréchal de Turenne était accouru pour le recevoir ; le prince eut son cheval tué, s’échappa, comme par miracle, sur celui de l’un de ses officiers, et tout ce qui le suivait fut enveloppé et fait prisonnier. L’on poursuivit les Espagnols jusqu’à Furnes, et le soir Turenne annonçait sa victoire à la maréchale par ce simple billet : Les ennemis sont venus à nous ; ils ont été battus ; Dieu en soit loué ! J’ai un peu fatigué toute la journée ; je vous donne le bonsoir, et m’en vais me coucher. La place se défendit admirablement quelques jours encore ; mais le marquis de Lède étant mort des suites de ses blessures, elle capitula le 24 juin, et le maréchal la remit le 26 à l’Anglais.

La campagne de 1658 détermina l’Espagne à signer le traité des Pyrénées. Cromwell mourut bientôt après, et Charles II remonta, en 1660, sur le trône d’Angleterre. L’histoire a enregistré ses profusions et les humiliations qu’imposa le désordre des finances à sa couronne. En 1662, il prit lui-même, avec le chancelier Clarendon, l’initiative de la vente de Dunkerque à la France ; ils en demandèrent 12 millions tournois Le comte d’Estrade, qui conduisit fort habilement cette négociation fit remarquer que l’Angleterre, tenant Dunkerque de la France, sans que l’Espagne, sur qui la place avait été conquise, eût sanctionné cette transmission, ne céderait qu’une possession de fait,