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rendaient à la mer après s’être clarifiées. L’art compléterait ainsi le travail de la nature par l’imitation des moyens qu’elle a employés pour la formation de ce territoire.

Entre Gravelines et Dunkerque, l’étendue des dunes est de 717 hectares, dont 146 appartiennent a l’état, et 571 à des particuliers ; une grande partie de celles-ci seront un jour amendées avec les dépôts de l’Aa. Ces dépôts ne passent pas le chenal de Dunkerque. Au-delà, jusqu’à l’Escaut, la lisière de dunes n’est interrompue que par les chenaux de Nieuport et d’Ostende ; la largeur moyenne en est chez nous d’un kilomètre, et, sur 1,298 hectares, l’état en possède 25, tout le reste est à la ville de Dunkerque. Garnies par places d’herbes sauvages qui leur procurent une demi-fixité, ces dunes ont peu d’élévation ; leurs collines capricieuses laissent entre elles de vastes espaces légèrement ondulés, et elles sont très susceptibles de se boiser. Des plantations faites sur leur prolongement, vis-à-vis Furnes, réussissent fort bien, et la colline de sable d’une centaine d’hectares que les tempêtes ont jetée au bord des Moëres montre, à l’ombrage dont elle est couverte, ce que pourrait devenir la dune entière. Le pin de Riga, si précieux pour la mâture, se plairait sans doute dans ce sol, et, indépendamment de leur utilité comme signal pour la reconnaissance de la côte, les massifs d’arbres préserveraient de l’envahissement des sables et de la pernicieuse action des vents de mer les terres cultivées du voisinage. D’un autre côté, les fortifications de Dunkerque sont en terre, et la seule place ainsi construite qui ait jamais fait une longue résistance est celle de Dantzick, en 1807. Elle dut cette gloire et cet avantage aux approvisionnemens de bois du commerce dont purent disposer ses défenseurs. Ils s’en servirent à amortir les coups de l’artillerie française, à réparer à mesure qu’elles s’ouvraient les brèches de leurs remparts, et pendant plusieurs mois la monarchie prussienne ébranlée conserva une chance de salut. Dunkerque n’a pas derrière soi les forêts de la Pologne, et toute ressource de cette nature lui manquerait dans le danger. Depuis le siége de 1793, ses dunes dépouillées auraient eu le temps de se couvrir d’une futaie d’arbres résineux, et rien ne dit qu’elles ne l’eussent pas encore avant un siége nouveau ; les négligences du passé ne sauraient donc excuser celles du présent.

Aux portes mêmes de la ville, on a fait mieux que de boiser la dune. Le Rosendal, dont les jardins s’épanouissent à l’abri de lignes d’arbres si touffus, est une conquête faite sur le sable pur ; mais quels travaux ce sol artificiel n’a-t-il pas coûtés ! Tel hectare de ce quartier fleuri reçoit pour mille écus par an de fumier ou de main-d’œuvre. De pareils prodiges cessent d’être possibles à quelque distance de la ville, qui fournit les engrais et achète les denrées. On songe néanmoins à revêtir des vases que fournira le curage du chenal et du port les dunes