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qui peut être proposée pour modèle à toutes les entreprises du même genre remonte à 1813.

Le territoire desséché est divisé en cinq sections, dont la plus récemment formée, celle des Moëres, peut être considérée à part. Chacune correspond à un bassin hydrographique, et les limites en ont été déterminées par un nivellement minutieusement exact de toute la surface à égoutter. Des canaux secondaires, embranchés sur les canaux navigables, vont chercher par des rigoles qui se ramifient dans tous les champs, quels qu’en soient l’éloignement ou le niveau, les eaux nuisibles à la culture. Les pentes étant insensibles, les eaux, quand on les fait gonfler en fermant les écluses, remontent dans les terres par ces mêmes ramifications ; celles-ci font de la sorte à volonté l’office d’émissaires pour le desséchement ou de biefs d’amenée pour l’irrigation. Chaque degré des hydromètres des canaux correspond à une surface connue, et les nombreuses éclusettes dont sont pourvues les rigoles rendent faciles les manœuvres de détail. Par là chaque champ reçoit le degré de fraîcheur ou de siccité qui convient à sa culture, sans que la diversité des effets à produire nuise à la simultanéité de l’exécution.

Ce degré de perfection n’est atteint que grace à la sagesse qu’ont eue les propriétaires associés de s’imposer deux conditions dont l’apparente rigueur est le secret de tous leurs succès. Ils ont délégué une autorité absolue aux syndics qu’ils élisent périodiquement, et se sont soumis à de très fortes taxes. Les administrateurs des watteringues ont plein pouvoir pour tout ce qui se rapporte à l’aménagement des eaux ; travaux neufs, travaux d’entretien ou simples manœuvres, rien ne se fait qu’en vertu de leurs ordres et par les mains de leurs agens ou de leurs ouvriers : le propriétaire est servi à souhait ; mais il lui est interdit de se servir lui-même, et l’unité d’action est la source de cet ordre qui pourvoit à tous les besoins et prévient toutes les négligences. Quant aux cotisations, elles ont été établies sur le pied de 6 francs 76 cent. par hectare, à une époque où le revenu moyen n’était pas de 23 francs. Le bon emploi de cet impôt volontaire a permis de porter le revenu des terres du triple au sextuple de ce qu’il était au commencement de ce siècle. Les travaux hydrauliques sont terminés, et pourtant les cotisations qui en ont fourni le capital ne cessent pas d’être perçues ; elles servent actuellement à couvrir le territoire des watteringues d’un réseau de chemins ferrés, construits avec le plus grand soin, et dans peu de temps, le pays n’aura pas de ferme qui ne soit, sous ce rapport, desservie comme une habitation princière. L’économie obtenue sur le transport des engrais et des denrées élève à plus de 10 pour 100 l’intérêt du capital ainsi placé.

Nous arrivons à la partie la plus intéressante des desséchemens. À 9 kilomètres à l’est de Dunkerque sont deux cuvettes naturelles, dont