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toutes les fois qu’il creuse dans la plaine de Dunkerque les fondations de grands ouvrages.

L’agent le plus actif de la formation de la couche supérieure a été le courant vaseux de l’Aa. Les marées, en s’épanchant sur la surface des sables apportés et nivelés par elles, servaient de véhicule au limon de cette rivière et des autres eaux qui descendaient du terrain tertiaire ; elles l’étendaient au loin dans les lagunes, et le sol s’exhaussait comme dans les polders, à l’atterrissement desquels nous assistons dans le voisinage. Les vents, de leur côté, amoncelaient çà et là des sables qui, retenus par les plantes marines et les broussailles, dominaient bientôt les plus hautes marées ; les espaces affermis où pouvait se poser le pied de l’homme s’élargissaient graduellement. Un jour vint enfin où les plus malheureux d’entre les Ménapiens et les Morins que nous a fait connaître César se réfugièrent sur ces îlots : ils purent y vivre de la pêche, de la chasse, et même y établir quelques grossières cultures.

Le pays était en cet état lorsque, l’an 646, saint Éloi, évêque de Noyon, vint prêcher l’Évangile et donner le baptême aux Diabinthes, peuplade de pêcheurs qui vivait autour d’un havre destiné à devenir célèbre. Il bâtit au milieu d’eux l’Église des Dunes, D’un Kerch, et Dunkerque fut fondé. Saint Eloi était, en effet, un homme d’état et un artiste, et, quand il choisissait pour l’exercice de son apostolat le port reculé des Diabinthes, il jugeait sans doute la portée de son œuvre. On dut dès-lors commencer à endiguer les sommets des bancs les plus faciles à préserver, et ces polders épars formaient des îles au milieu des lagunes. En 906, Baudouin, troisième comte de Flandre, dotait Dunkerque de sa première enceinte, et la sûreté de cet asile y attirait de nombreux habitans ; il ne paraît cependant pas que de grands travaux de défense contre la mer aient été entrepris avant le XIIe siècle.

Il n’est pas probable qu’on les ait attendus pour chercher à contenir et à diriger les eaux intérieures, qui, d’après le relief du terrain et les lois immuables de l’action de la mer sur les alluvions qu’elle dépose, se portaient principalement dans deux lits qui subsistent encore, celui du canal de Bergues et celui de la Colme. Le premier descend perpendiculairement à la côte dans le bassin de Dunkerque ; la Colme suit, à partir de l’Aa, le pied du terrain tertiaire, passe à Bergues, à Furnes, et s’écoule à la mer, au travers du territoire belge, par le chenal de Nieuport. La partie supérieure en a dû toujours être navigable. Dès 1169, en effet, on voit le péage d’un guindal, qui servait à y faire passer les bateaux de l’Aa, concédé par Philippe d’Alsace, comte de Flandre, à l’église de Saint-Pierre d’Aire. Ce mécanisme grossier n’a été remplacé par une écluse qu’en 1679, et c’est depuis lors seulement que la navigation est continue sur cette ligne. En 1638, les villes de Dunkerque, de Furnes et de Bruges obtinrent de la cour d’Espagne, qui se fit payer cette faveur 130,000 florins (lettres d’octroi du 13 août), l’autorisation