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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 janvier 1849.

Commençons par rendre hommage à l’énergie des bons citoyens qui, dépositaires du pouvoir public dans un temps où le faix en est si lourd et la possession si peu enviable, persévèrent à défendre les grands intérêts dont ils sont chargés, et contre les intrigues parlementaires, et contre les factions des rues. Nous apprécions tout le mérite de leurs efforts, nous ne les trouvons point excessifs en présence des attaques ou secrètes ou patentes dont ils se voient assaillis ; nous ne les blâmons pas d’aller volontiers peut-être au-devant du péril plutôt que de l’attendre ; nous les croyons essentiels à leur tâche et nous les remercions de s’y maintenir ; nous comprenons leur tâche comme ils la comprennent.

Ils ont sans doute une façon d’être républicains qui n’est pas la façon de ceux auxquels nous devons la république, ni la façon même de tous ceux qui se sont ralliés autour du chariot de février. Le républicain de la veille et quelquefois aussi le républicain catéchumène auquel un dévouement plus exclusif a valu les honneurs d’une initiation plus complète, le républicain pur, se sait investi par privilège d’une règle suprême à laquelle le commun des martyrs est d’avance et de droit attaché sous peine d’hérésie : c’est un alchimiste politique qui a découvert sa pierre philosophale ; il en peut tout faire, excepté de l’or. Qu’importe ? il n’est pas homme à se déconcerter pour ce qui s’en manque, et il va droit son chemin, exigeant avant tout qu’on jure sur sa parole et qu’on prenne son trésor pour autant qu’il l’estime. Le républicain pur est un être éminemment contradictoire. Il élève aux nues l’autorité du suffrage universel, mais à la condition que l’électeur lui vote son dogme ; il invoque la raison de tous, mais il prétend bien la redresser, et de main de maître, si elle ne veut s’abonner aux mandemens souverains de sa raison particulière ; c’est un doctrinaire déguisé qui fait mine de s’en remettre au peuple quand il ne s’en fie qu’à lui. Aussi l’appel au peuple est-il tombé dans un discrédit public chez les plus francs de ce bord-là ; quant aux plus habiles, tout en le vantant beaucoup, ils ne s’y frottent pas, et, s’ils s’y frottent, ils trichent : ce serait conscience de ne pas corriger la fortune quand où n’a point encore achevé de l’éduquer, et, de