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REVUE LITTÉRAIRE.




L’ACADÉMIE. — LES LIVRES. — LES THÉÂTRES.




Il y a un mot dont on abuse, et qui, sous certaines plumes, équivaut à la plus violente des injures : c’est le mot de réaction. Sans nous occuper de la réaction politique, où nous n’avons rien à voir, et que justifient trop souvent ceux même qui l’incriminent, ne pouvons-nous pas dire que tout homme d’esprit porte en soi un germe, un sentiment de réaction intellectuelle, de résistance aux idées dominantes, à celles surtout qui voudraient profiter de leur triomphe pour devenir oppressives ? Celle-là, Dieu merci ! est très innocente, et si, dans les circonstances actuelles, elle ressemble à une malice, la faute en est à ceux qui ont si bien arrangé les choses, que le parti du plus spirituel n’est pas aujourd’hui le parti du plus fort.

On a voulu voir une réaction de ce genre dans les derniers choix de l’Académie française. À huit jours de distance, l’Académie a élu M. le duc de Noailles et M. le comte de Saint-Priest Que ces deux nominations successives, onze mois après février ressemblent quelque peu à un anachronisme volontaire, à ce qu’aurait été, par exemple, l’élection de Benjamin Constant sous M. de Villèle ou d’Armand Carrel sous Casimir Périer, c’est que nous sommes fort disposé à avouer. Pourtant de pareils suffrages, dans un pareil moment, ont une signification qui se concilie mieux avec les titres des nouveaux élus comme avec la dignité de l’Académie. Prouver que la littérature ne reconnaît d’autres distinctions que les siennes, qu’en dehors des hiérarchies ordinaires, plus ou moins endommagées par les révolutions elle sait créer une noblesse idéale que l’autre noblesse ne confère