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l’isthme de Panama, et éviter le détour long et périlleux du cap Horn. En attendant, M. Aspinwall de New-York a obtenu du gouverneur de la Nouvelle-Grenade un privilège pour construire un chemin de fer à travers l’isthme ; il a déposé entre les mains du gouvernement un cautionnement de 600,000 francs. Ce chemin de fer, qui aura vingt-quatre lieues de long et coûtera 50,000 piastres (250,000 fr.) par mille américain, soit à peu près 300,000 francs par kilomètre, doit être immédiatement commencé. La civilisation et le commerce doivent applaudir aux progrès qui résulteront de ces entreprises gigantesques pour la facilité et la rapidité des communications.

Quel spectacle imposant et extraordinaire nous offrent les progrès constans et rapides de cette puissance américaine qui, chaque année, étend plus loin ses bras ? En peu de temps, le Texas, les provinces septentrionales du Mexique, la meilleure partie des côtes, nord de l’Océan Pacifique, ont accru son territoire. Aujourd’hui, le congrès américain discute s’il achètera Cuba à l’Espagne. Quelles seront donc les limites de cette ambition toujours croissante ? où s’arrêtera ce besoin continuel de s’agrandir ? Maîtresse de cinq cents lieues de côtes sur l’Océan Pacifique, aujourd’hui que la Californie est réunie à l’Orégon, cette puissance, que rien ne fait reculer, va sans doute fonder un nouvel empire sur ces rivages encore inexplorés. Quel immense avenir est réservé à la nation qui dominera la mer Pacifique ! Quelle source de richesses dans le commerce de la Polynésie, des côtes occidentales de l’Amérique du Sud, de la Chine, du Japon, des Philippines, de la Nouvelle-Hollande, de la Nouvelle-Zélande ! Il y a là un monde nouveau à exploiter, à civiliser, à enrichir, et, tandis que la vieille Europe se débat et s’use dans des luttes stériles contre une barbarie qu’on veut ressusciter, le génie américain marche à grands pas à la conquête pacifique de ce monde nouveau.


BENJAMIN DELESSERT.