Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vanités locales, quelques ambitieux subalternes, feignaient seuls de prendre au sérieux cette mise en scène de la politique démocratique.

Quelles conclusions devons-nous tirer du mouvement qui s’est opéré dans les départemens depuis le 24 février ?

Déplacement de l’influence politique. — Paris, pour avoir abusé en souverain capricieux de son omnipotence, voit les départemens dans une attitude de défiance contre lui, de confiance dans leurs forces, prêts à se saisir à leur tour du gouvernement.

L’assemblée constituante frappée d’impopularité. — Laissée en arrière par le mouvement du pays, malgré quelques efforts honorables pour combattre les idées révolutionnaires, elle est considérée aujourd’hui comme un obstacle au rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique. Accueillie en avril dernier avec des transports d’enthousiasme, elle est actuellement sommée par des millions de pétitionnaires de se retirer et de faire place à une nouvelle assemblée plus en rapport avec les tendances et les sentimens de la France.

Élection du président de la république par six millions de citoyens qui ont trouvé en sa personne l’expression la plus vive de leur répulsion pour les hommes et les choses de la révolution du 24 février. Ministère qui reconnaît que la puissance n’est plus dans la majorité actuelle de l’assemblée, ni même dans la population de Paris, et qui cherche son point d’appui dans l’opinion des départemens.

Ces résultats sont grands, et doivent ranimer le courage de tous les bons citoyens. Grace à l’esprit qui règne dans les provinces, grace à l’énergie qu’elles déploient en faveur des principes d’ordre, la France échappera encore une fois à l’horrible chaos où les révolutionnaires ont voulu la plonger. Tout résolus que nous sommes à ne plus marchander les sacrifices pour atteindre ce but, faisons en sorte qu’il nous coûte le moins cher possible. Ne compromettons pas l’unité du pays ; conservons précieusement cette condition de notre force et de notre grandeur. Sachons consentir à ce que la vie politique se répande sur tous les points du territoire. Au lieu de la laisser s’éteindre, comme sous le gouvernement de juillet, ou se précipiter avec impétuosité, ainsi quelle fait depuis dix mois, cherchons à la régler, à la contenir et à la diriger. Occupons-nous de trouver sa loi d’équilibre. Le problème est posé. Si Paris ne veut pas être réduit à la condition d’un roi qui règne et ne gouverne pas, il faut désormais qu’il tienne grand compte de l’opinion des départemens. À ce prix, il peut encore conserver, non pas la prépotence, mais la juste influence qui lui revient.


HENRI GALOS.