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illusoire le droit d’élection concédé au peuple et se l’assurer à soi-même.

Ces combinaisons ne firent qu’irriter davantage l’esprit public. Bientôt le nom de Louis Bonaparte devint le drapeau de toutes les oppositions, qui cherchaient dans son triomphe celui de leurs ressentimens. D’autres idées se rattachaient à cette candidature. Au milieu de l’abaissement général, dans le naufrage de nos institutions, le nom glorieux de Bonaparte apparaissait comme un phare lumineux qui pouvait nous conduire au port. On espérait trouver dans l’héritier de l’empereur Napoléon la tradition de ce pouvoir vigoureux qui avait une première fois vaincu l’anarchie et rétabli la société sur ses bases. Les anciens partis monarchiques eux-mêmes l’adoptaient, parce qu’ils voyaient sur son front comme un rayon affaibli du principe d’autorité auquel ils ont voué leur foi politique. Aux yeux de tous, cette élection devait être la condamnation de ce qui s’était fait depuis le 24 février et l’aurore d’un meilleur avenir.

Que faisait l’assemblée devant ce mouvement de l’opinion publique Elle n’hésitait pas à le combattre ; elle quittait la sphère de neutralité d’où elle devait planer au-dessus des luttes électorales et descendait dans l’arène ; elle arborait un drapeau et adoptait la candidature du général Cavaignac. Le général Cavaignac, par son nom, par les souvenirs qu’il rappelait, par les déclarations qu’il avait faites du haut de la tribune, par ses liens de famille, par ses affections, était le représentant de la révolution. On ne pouvait pas trouver un terme d’opposition plus radical à la candidature du prince Louis. L’ardeur de l’assemblée fut telle, que ses bancs se dégarnirent, et qu’on vit les représentans parcourir les provinces et se faire les missionnaires électoraux du chef du pouvoir exécutif. Des députations entières signèrent des manifestes à leur département pour célébrer les mérites du général Cavaignac et contester les titres de son concurrent à la confiance du peuple. Rien ne fut négligé dans cette lutte à outrance. Des pamphlets et des caricatures, expédiés des bureaux mêmes de la questure, étaient répandus avec profusion contre Louis Bonaparte, pendant que des brochures où l’on exaltait les services militaires, l’esprit politique et les vertus républicaines du général Cavaignac, circulaient en tous lieux et se distribuaient. Aux écrits se mêlaient les rumeurs les plus menaçantes on disait aux propriétaires, aux ouvriers laborieux de nos villes, aux industriels de tout rang, que l’élection de Louis Bonaparte soulèverait dans Paris les passions les plus violentes ; que le parti républicain la combattrait les armes à la main, et que, dans ce conflit, la voie serait ouverte au triomphe du communisme et du socialisme. Nos représentans dans l’orgueil de leur omnipotence, ne doutaient pas de leur victoire. Jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, ils restèrent