modéré. Elle n’y songea pas. Le général Cavaignac eut complète liberté ; il en usa selon son penchant, et forma son cabinet de personnes qui représentaient à peu de chose près, les opinions professées par les ministres de la commission exécutive.
Les gardes nationales qui étaient accourues au secours de Paris regagnèrent les départemens dans une vive émotion des horreurs de la guerre civile. Elles avaient été les témoins des fureurs de cette armée d’ouvriers agglomérés dans la capitale, se déclarant, sous l’influence de la misère et de doctrines perverses, les ennemis irréconciliables de la propriété et du capital. On les avait vaincus, mais était-on sûr de les guérir ? Il ne suffisait pas de rétablir la tranquillité dans les rues, il fallait la rétablir dans les esprits. L’état de siége, les canons dressés sur les places publiques, la déportation des hommes pris les armes à la main, étaient des moyens de répression nécessaires, impuissans toutefois pour l’œuvre de pacification morale que la France réclamait.
Dés ce moment, la province comprit que c’était par elle que la société pouvait être sauvée. La défiance à l’endroit du pouvoir et de l’assemblée se propagea en tous lieux. Dans les villes, dans les campagnes, ce sentiment pénétra toutes les consciences. Là où il n’était pas éclairé par les principes, il puisa sa force dans l’instinct de la conservation. On sentit partout le besoin de l’union ; on se rallia spontanément sous l’autorité des personnes d’expérience et de capacité. Ce que la loi n’aurait pu faire s’opéra naturellement ; entre les hommes qui concourent à la défense de l’ordre, une sorte de hiérarchie s’établit selon le mérite et les servies rendus. On ne discuta plus les anciennes opinions ; on effaça les classifications de parti. On appela tous les bons citoyens : les plus honnêtes et les plus fermes furent placés au premier rang.
C’est sous l’empire de ce mouvement que se firent les élections municipales et les élections aux conseils-généraux. Qu’on rapproche les élus de ces scrutins des noms proclamés au mois d’avril, et l’on verra à leur dissemblance à leur opposition même, quel progrès vers l’ordre s’était opéré dans les départemens pendant cet intervalle de quatre mois ! Presque toutes les grandes villes composèrent leur conseil municipal des hommes qui, sous la restauration et sous le gouvernement de juillet, s’étaient fait remarquer par leur zèle et leurs lumières. Elles excluaient particulièrement ceux dont les opinions et les tendances se rattachaient à la révolution du 24 février. Elles voulaient ainsi forcer le gouvernement à leur donner pour maires des membres du parti modéré. Dans les campagnes, les paysans se dépouillèrent de leurs préjugés contre les grands propriétaires. Ils allaient à eux et les priaient avec instance de se charger de l’administration communale. Le bon sens de nos agriculteurs leur disait que celui qui avait le plus à perdre était le meilleur défenseur de l’ordre. Le grand domaine garantissait