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dans l’exercice de leurs droits de citoyen. Elles avaient blâmé l’ancien gouvernement ; elles avaient dénoncé ses fâcheuses tendances. Il était naturel de croire, après la catastrophe qui venait de renverser la monarchie, qu’elles avaient mieux vu et mieux jugé que ceux qui avaient été chargés de la diriger et de la défendre. Leur tour était donc arrivé de mettre la main à l’œuvre. Les représentans de l’ancien parti conservateur se tenaient à l’écart. Ils ne voulaient point, par leur présence dans l’arène électorale, réveiller de vieilles querelles ; ils avaient leur part de responsabilité dans le déplorable événement de février ; ils devaient attendre que l’expérience éclairât l’opinion publique et la leur ramenât, si malheureusement, comme ils en avaient la conviction, les excès de la démocratie justifiaient plus tard leur politique de résistance. Excepté à l’égard de quelques membres qui avaient figuré dans les rangs de la gauche et du centre gauche, l’exclusion des noms parlementaires connus depuis longues années fut donc rigoureusement observée.

Quel était le programme des candidats ? nous avons contracté l’habitude, dans les luttes politiques, de nous servir de mots auxquels nous n’attachons pas leur sens direct. C’est une lâcheté familière aux partis. Nous disons publiquement une chose qui, dans notre for intérieur, en signifie une toute différente. Nous nous laissons aller facilement à ce genre de mensonge, surtout dans les temps de crise. C’est un vice de nos mœurs publiques : si nous pouvions nous en guérir, non-seulement la vérité y gagnerait, mais les caractères s’élèveraient, et les opinions triomphantes seraient bien plus certaines de leur victoire. Les candidats se partagèrent en deux camps : les uns se proclamaient républicains de la veille, les autres républicains du lendemain. À prendre l’intention réelle que couvraient ces mots, nous reconnaîtrons aujourd’hui que les unes désignaient les hommes qui avaient préparé ou fait la révolution du 24 février, et les autres, ceux qui, la voyant d’un œil inquiet, ne l’acceptaient que sous bénéfice d’inventaire. Ce langage renfermait donc un sous-entendu qui ne fut pas compris partout de même. Il jeta un nuage sur quelques positions. À la faveur de cette demi-obscurité, bien des erreurs se sont commises, bien des votes se sont égarés, Toutefois, dans l’ensemble, les sympathies éveillées par ces appellations de convention ont porté sur des noms qui les représentaient. Disons-le, ces finesses, toute question de moralité à part, sont très dangereuses dans le suffrage universel. Elles échappent à l’appréciation de la multitude qui court le risque de se prendre aux apparences et d’ouvrir l’enceinte du Palais National à une représentation en désaccord avec l’opinion du pays. Le pays lui-même, incertain sur la direction de son vote, n’imprime pas à ses mandataires cette conviction qui fait les assemblées douées d’énergie et de foi politique. Peut-être est-ce à cette cause que