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Cette révolte des départemens devait inquiéter les membres du gouvernement provisoire. Ils résolurent de la vaincre, et, à cette fin, ils empruntèrent leurs moyens de coaction aux traditions de l’époque la plus néfaste de notre histoire. Il se fit alors comme une renaissance des maximes et de la politique terroriste de 93. On exhuma les vieilles devises des jacobins ; on restaura, d’une main amollie par cinquante années de paix et de progrès, les armes du comité de salut public ; on fulmina des arrêtés de destitution contre tous les fonctionnaires suspects de tiédeur pour le régime nouveau ; on arracha des magistrats inamovibles de leurs siéges ; on cassa des conseils municipaux élus pour leur substituer arbitrairement des commissions locales ; on recruta une armée d’agens de toute espèce parmi les individus les plus mal famés, conspirateurs émérites et banqueroutiers frauduleux, et on la lança sur la province pour l’agiter et la ramener à la soumission ; on investit de pleins pouvoirs des commissaires de tous grades, pour qu’ils pussent, au besoin, plier les tribunaux à leurs caprices et requérir la force publique selon leur bon plaisir ; on proféra les menaces les plus impitoyables dans des circulaires où la passion anarchique se dépouillait de tout artifice de style pour mieux effrayer les citoyens. Enfin, ce que le gouvernement provisoire, par un reste de pudeur, n’osait faire en son nom, il le confiait aux soins de sa succursale de la rue de Rivoli, qui, s’intitulant la Commune de Paris, travaillait, au moyen de publications et de correspondances incendiaires, à réveiller un peu de la terreur dont ce nom était autrefois entouré.

Ce système d’intimidation produisit un effet tout contraire à celui qu’on s’en promettait. À peine cet appareil révolutionnaire fut-il exposé aux regards de la France indignée, que presque de toutes parts la résistance, de passive qu’elle était, devint active et énergique. À Bordeaux, à Montauban, à Amiens, à Périgueux, à Grenoble, on chasse les commissaires de M. Ledru-Rollin ; les agens officiels du gouvernement sont poursuivis, arrêtés dans leur mission, et souvent n’ont que le temps de se soustraire par la fuite à la colère des populations. Les journaux qui, avant la révolution de février, faisaient leur polémique avec les journaux de Paris, comprennent que les circonstances leur imposent une grande mission. Ils effacent les nuances qui les séparaient les uns des autres ; ils font taire leurs anciennes rivalités, et, s’unissant dans un sentiment commun, ne disputent plus entre eux que de courage et de dévouement pour combattre l’anarchie et signaler à la défiance publique les hommes du gouvernement provisoire. Dans cette dure épreuve, bien des caractères se sont révélés, bien des talens se sont produits qui s’ignoraient eux-mêmes. La presse départementale, obligée de suffire par elle-même aux nécessités d’une lutte vive et opiniâtre, forcée de ne prendre conseil que d’elle-même, lorsque la presse