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pour quelques-uns d’entre eux, la conclusion n’est pas encore arrivée, elle se prépare, car ils sont tombés dans les mêmes fautes que les Napolitains, et ces fautes-là ne pardonnent pas.

Les révolutions qui réussissent, car il y en a, sont celles qui se renferment dans les limites du possible et du juste et qui savent à la fois commencer et s’arrêter à temps. On a vu que la monarchie portugaise et la république des Pays-Bas avaient proclamé leur affranchissement de l’Espagne presque en même temps que Naples ; elles étaient l’une et l’autre moins fortes pour résister que la cité de Masaniello, mais elles furent plus sages, mieux ordonnées, et elles réussirent, quand la démagogie napolitaine échoua. De même, de nos jours, il n’y eut certes jamais d’insurrection plus légitime que celle de la Lombardie contre les Autrichiens, car, encore un coup, les nationalités ont des droits imprescriptibles ; mais cette insurrection s’est laissé dominer par les idées anarchiques, et elle a succombé. Le maréchal Radetzky est rentré à Milan comme le comte d’Ognate à Naples, et par des causes analogues. L’année dernière, à pareille époque, des avertissemens venus de France essayaient de prémunir les Italiens, et surtout les Lombards, contre un entraînement dont l’issue n’était que trop facile à prévoir ; ils ne les ont pas écoutés. La France, d’où partaient ces conseils, n’a pas su, il est vrai, en profiter pour elle-même ; mais si nous souffrons cruellement, chez nous, des suites de cet aveuglement d’un jour, la malheureuse Italie en souffre encore plus que nous.

L’Italie doit comprendre maintenant quels étaient ses véritables amis, il y a un an, ou de ceux qui la poussaient dans une voie de révolution et de guerre, ou de ceux qui lui conseillaient de marcher vers la liberté avec cette modération qui fait la force. Qu’elle relise aujourd’hui ces dépêches de M. Guizot à M. Rossi, dont la publication avait soulevé tant de colères en-deçà comme au-delà des Alpes ; qu’elle relise surtout les discussions des chambres françaises du mois de janvier 1848, et qu’elle juge. « Je sais autant que qui ce soit, disait M. Guizot répondant à M. de Lamartine dans la séance du 29 janvier, je sais qu’il y a des révolutions légitimes et nécessaires, des guerres légitimes et nécessaires ; mais ce sont des exceptions dans la destinée des peuples. Quand ces exceptions se présentent, il faut les accepter résolûment, mais il ne faut les accepter qu’à la dernière extrémité et devant la nécessité absolue. C’est là la base de notre politique, et nous nous attachons d’autant plus fermement à cette base, que nous nous trouvons en présence et plus près des chances de révolution et de guerre, soit au dedans, soit au dehors de notre pays. On peut vouloir remettre l’ordre et la lumière dans le monde entier, mais il ne faut pas commencer par y mettre le chaos, car personne ne sait quel jour ni comment