marques au peuple de la passion qu’il avait de le servir, et d’employer un million d’or de son bien et tout le reste, avec sa vie, pour la liberté de l’état. À ces paroles, tout le monde s’écria qu’il paraissait bien, par des offres de cette sorte, que ce prince était de la maison d’Anjou. » Un autre prince étranger, Thomas de Savoie, était aussi sur les rangs, mais la promesse du million d’or fut décisive. On ne peut pas s’étonner que les Napolitains aient embrassé avec enthousiasme ces espérances chimériques ; l’ignorant qui souffre est toujours crédule, et tous les peuples du monde se sont montrés jusqu’ici, dans des occasions semblables, de véritables Napolitains. L’avenir seul peut dire s’il en sera un jour autrement.
Le duc de Guise partit de Rome sans troupes, sans argent, avec une suite de vingt-deux personnes et quatre mille pistoles en tout, que lui avait prêtées un banquier de Rome, nommé Philippo Valenti. Il traversa intrépidement dans une felouque les vaisseaux espagnols qui croisaient devant Naples, et débarqua seul à la tour del Greco, au milieu des décharges de leur artillerie ; les autres felouques qui le suivaient n’arrivèrent que deux jours après lui. Il fait lui-même, dans ses mémoires, le tableau le plus lamentable de l’état où il trouva cette ville. Il fut reçu avec ces démonstrations de joie que la multitude fait éclater pour tout ce qui est nouveau ; la foule l’accompagna ou plutôt le porta jusqu’à l’église de Notre-Dame-des-Carmes, où Gennaro Annese vint le recevoir et l’embrasser « avec toutes les marques du contentement le plus extrême. » Gennaro fit plus encore, il voulut absolument le loger et le faire coucher dans sa chambre ; cet homme était naturellement l’ennemi secret du prince, dont il aurait voulu empêcher à tout prix l’élection ; mais, forcé de partager avec lui l’autorité, il le flattait pour le perdre. L’armurier napolitain habitait, au fond de la forteresse des Carmes, un petit réduit voûté qui ressemblait assez à une retraite de voleurs ; on y voyait une quantité de vaisselle d’argent et de meubles précieux entassés les uns sur les autres sans aucun ordre. Gennaro Annese et sa femme y apprêtaient leur manger eux-mêmes, de crainte d’être empoisonnés ; ils y dormaient sur des matelas étendus à terre, « et parmi une infinité d’ordures dont la puanteur était insupportable. » C’est là que l’élégant duc de Guse fut obligé de se laisser conduire.
Tous les hommes un peu curieux de recherches historiques connaissent le portrait qu’a fait le duc de Guise lui-même de Gennaro Annese, et les détails qu’il donne sur sa première entrevue avec lui. Plus que jamais aujourd’hui il est piquant de rappeler quelques-uns de ces détails caractéristiques.
« C’était, dit-il, un petit homme de fort méchante taille, fort noir, yeux enfoncés dans la tête, les cheveux courts, qui lui recouvraient