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remarquables par la fermeté de l’exposition que par celle de la pensée ; il appartient à cette forte école des soldats écrivains des XVIe et XVIIe siècles, qui savaient aussi bien raconter qu’agir, et dont les récits ont toute la vigueur et la netteté de l’action. M. le duc de Rivas qui l’accuse de partialité contre l’Espagne, a cependant beaucoup puisé dans son écrit, et il ne pouvait mieux faire, car il y a peu de mémoires contemporains aussi complets que ceux-là.

Mais ce qui achève de faire du sujet choisi par M. le duc de Rivas une véritable bonne fortune, c’est le moment où paraît ce livre. Sans s’en douter, l’historien de Masaniello a écrit un ouvrage de circonstance. Pendant qu’il recherchait patiemment les détails d’une révolution accomplie. Il y a deux cents ans, un souffle souterrain parcourait l’Europe et y préparait une éruption générale. L’Italie elle-même, et jusqu’à cette bienheureuse cité de Naples, qui semblait dormir au bord de sa baie, ont eu leur triste part dans ces convulsions. De nouveaux Masaniello ont reparu tout à coup sur bien des points à la fois, et, ce qui rend la comparaison de plus en plus frappante, ils ont disparu pour la plupart aussi vite et presque aussi tragiquement que le premier. D’où vient que ces révolutions, si semblables en général à celle de 1647, ont été aussi éphémères qu’elle ? Y a-t-il là quelque loi secrète et irrésistible qui condamne à l’avortement certaines entreprises particulièrement mal conçues ? Notre siècle est passé maître en fait de révolutions ; il en a fait de légitimes et d’illégitimes, d’heureuses et de malheureuses, de durables et de passagères ; il semble donc qu’il n’ait plus rien à apprendre en ce genre. Il n’est cependant pas sans utilité pour lui de rechercher dans le passé si le procédé révolutionnaire a quelque peu changé avec le temps, et si les mêmes causes n’ont pas toujours amené les mêmes effets ; c’est ce que fait pour lui la nouvelle histoire de M. le duc de Rivas.

La révolution de Naples eut un avantage que n’ont pas toujours les révolutions : elle était parfaitement justifiée. Certes, je n’aime pas les insurrections en général ; mais ce droit d’insurrection, dont on a tant abusé, me paraît le droit impérissable de tout peuple qui est gouverné par les étrangers et au profit des étrangers. Or, si jamais domination étrangère fut abusive et odieuse, c’est celle de l’Espagne sur Naples. Un de ses vice-rois, le comte de Monterey, avait coutume de dire que Naples retournerait un jour nécessairement entre les mains des Français, et que, pour ne leur rien laisser, il fallait en tirer de bonne heure tout ce qu’il y avait à prendre. Cette maxime était fidèlement mise en pratique par tous ceux qui participaient à l’administration, grands et petits. Le pays était d’abord écrasé d’impôts au nom de la couronne, et, bien que les sommes provenues de tant d’exactions fussent prodigieuses, elles n’étaient rien au prix de celles qui provenaient