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les abus dont les populations ont à souffrir, pour arriver à satisfaire ce besoin immodéré de production que le gouvernement a mis à l’ordre du jour.

Enfin, l’adoption de cette fâcheuse mesure de l’allocation des pour-cents a nui à la considération des fonctionnaires européens ; elle a porté atteinte à leur dignité en les assimilant, par le mode de rémunération, aux chefs indigènes placés sous leurs ordres, et en laissant supposer que l’appât d’un gain considérable avait été jugé nécessaire pour stimuler le zèle de ces fonctionnaires. Mieux eût valu cent fois augmenter les traitemens des Européens, et surveiller plus activement les employés indigènes, auxquels seuls on aurait abandonné cette commission d’encouragement.

Le gouverneur-général Van den Bosch avait remarqué très judicieusement, dans les préliminaires de son plan d’organisation des cultures, que « là où les institutions locales n’existaient plus, il fallait en attribuer la ruine à la conduite arbitraire et capricieuse de quelques employés européens. » Il paraît trop certain, en effet, que plusieurs de ces fonctionnaires se sont fait un singulier plaisir de surcharger les habitans de travaux ou d’exiger de certaines localités des cultures incompatibles avec la nature du sol où évidemment contraires aux intérêts de la population. C’est ainsi qu’un résident avait prescrit au chefs d’un district montagneux de faire planter en indigo un tiers des champs de sawa, quand il était évident que, dans une région élevée, le nombre des sawas était nécessairement très limité, et qu’il était extrêmement difficile en général, impossible même en certains cas, vu les accidens multipliés de la surface, de conduire les eaux sur des portions de terrain propres à la culture des céréales. D’autres fois, dans la crainte de voir manquer en partie la récolte d’indigo, on a mis en réserve une certaine étendue de terre labourable, où on a conservé une partie des plantations d’indigo de l’année précédente avec l’espoir d’obtenir encore une ou deux coupes. C’était se mettre en contradiction formelle avec le sage principe qui veut que les quatre cinquièmes des terres à riz soient toujours plantés en pady, et qu’on veille strictement à ce que la subsistance des populations soit assurée ; mais on veut avant tout alimenter le marché d’Europe, et, pour atteindre ce but, on ne se contente pas de maintenir la production des denrées coloniales, on l’augmente le plus possible. C’est que le gouvernement montre sur ce point une sollicitude extrême, et que les employés y trouvent un double avantage : en même temps qu’ils y gagnent une riche rétribution, ils s’assurent une réputation d’administrateurs habiles. En ne portant sur leurs registres que le nombre de bows fixé pour chaque culture locale, ils se créent une sorte de renommée auprès du gouvernement, grace à l’accroissement fictif de la quantité d’indigo qu’ils obtiennent par bow, comparativement