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rôti, et ses convives, jugeant qu’ils auraient mauvaise grace à contrarier un pareil hôte, le laissent faire sans façon une large brèche à leur repas. L’heure vient enfin d’écouter l’histoire du roi des Horaforas. Cette histoire peut être racontée en quelques mots. — Avant d’être élu roi d’une tribu sauvage de la Nouvelle-Guinée, cet homme, nommé Térence Connel, a mené une vie fort vagabonde. Né dans le comté de Kerry en Irlande, soldat d’abord, puis déserteur, bientôt enrôlé dans les rangs de ces redoutables chevaliers de minuit, la terreur de l’Irlande. Il a largement rempli les conditions requises pour être déporté à Botany-Bay ; mais il n’a pas fait un long séjour dans les présides de l’Australie. Avec onze de ses compagnons, il a concerté un plan d’évasion qui a pleinement réussi. C’est dans la Nouvelle-Guinée qu’il a cherché un asile. Resté seul de ses onze compagnons, il a d’abord commencé par être esclave des Horaforas, qui, reconnaissant bientôt sa supériorité, l’ont nommé roi. Tel est l’homme qui offre l’hospitalité sur ses terres au petit détachement commandé par le capitaine Tranier. Les Anglais, avant de lui répondre, échangent un regard de défiance : mais la nuit approche, les guerriers Horaforas ne sont pas loin. Térence Connel leur apprend d’ailleurs que le pays n’est rien moins que sûr, et qu’on s’attend à une invasion de la tribu ennemie des Papuas. Ces considérations décident les marins du Hound à accepter la protection de l’Irlandais et à le suivre dans son camp.

On se met donc en marche, et on presse le pas, car les derniers rayons du soleil ne jettent plus que d’incertaines lueurs à travers les feuillages. On traverse un bois épais, et on commence à reconnaître l’exactitude des renseignemens donnés par Connel. Çà et là des guerriers postés derrière les arbres s’avancent et échangent quelques paroles avec leur chef. Connel montre du doigt à ses compagnons d’autres vedettes qui, cachées dans la cime des arbres, étudient le terrain et observent les campagnes voisines pendant que le soleil est encore sur l’horizon. La route que les Anglais suivent est précisément celle qu’ils comptaient prendre, et leurs carabines eussent été inutiles contre des ennemis cachés comme des serpens sous l’herbe. Le docteur remercie Dieu d’avoir envoyé sur son chemin le proscrit de Botany-Bay.

La nuit s’est épaissie, et, après une heure de marche, les Anglais et leur guide arrivent sur les bords d’une petite rivière. Un bac grossier, composé de pieux et de glaïeuls entrelacés, facilite le passage. Ce bac est une invention de l’Irlandais qui lui fait le plus grand honneur aux yeux de ses sujets. À peu de distance de La rivière s’élève dans l’ombre une large colline dont le sommet aplati est couvert d’arbres au feuillage épanoui en parasol. C’est là que campe la tribu du chef blanc. Des feux allumés sur la route guident les voyageurs, et bientôt, à la faveur de ces clartés incertaines, les Anglais reconnaissent que, semblables à