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et c’est là qu’il s’était offert comme guide au docteur. Son seul regret était d’avoir perdu l’occasion d’exercer une fois de plus ses talens de scalpeur sur le crâne du capitaine yankee.

Le docteur et Jack ne tardent pas à se séparer de leur hôte, et l’excursion se continue au milieu des mêmes accidens qui en ont marque le début. Ces longues marches, tantôt à travers des fourrés d’arbres gigantesques où s’ébattent les singes et où sifflent les aras, tantôt dans les marécages peuplés de serpens et d’alligators, ces haltes nocturnes dans le désert, ces heures d’un sommeil sans cesse interrompu par les glapissemens des chacals qui éclatent au loin comme les abois d’une meute en chasse, ce sont là des scènes dont il est impossible de nier le charme, bien que le voyageur anglais, je le répète, ait le tort d’en noter un peu minutieusement les invariables détails Arrivé enfin à un village nommé Tolo, M. Coulter songe à revenir sur ses pas et à regagner le Stratford. Toutefois il est forcé de passer quelques jours à Tolo. Les habitans sont si charmés de voir au milieu d’eux un médecin européen, qu’il leur prend à tous la fantaisie étrange de se faire saigner. M. Coulter a peine à répondre à toutes les demandes de sa clientelle improvisée, et, tout en n’usant de sa lancette qu’avec une extrême discrétion, il arrive néanmoins à augmenter notablement sa provision de quadruples. Une fois en règle avec les habitans de Tolo, il se met en route pour Tacames ; mais il n’est pas au bout de ses aventures. Un parti de soldats licenciés parcourt la province et pille les voyageurs isolés ; le docteur et Jack ne sont pas moins heureux dans leur rencontre avec ces maraudeurs que dans leurs démêlés avec les tigres et les chacals. Reçus plus chaudement qu’ils ne s’y attendaient, les brigands sont forcés de lâcher leur proie, et, quelques jours après cette escarmouche, les intrépides pèlerins, revenus sains et saufs, arpentent paisiblement le pont du baleinier anglais.


II. – LA BAIE DE SAN-FRANCISCO.

En quittant la côte de Tacames, le Stratford se dirige vers la Californie. Il s’arrête, après quelques jours de navigation, à l’île des Cocos, qu’on trouvera sur la carte par 5° 30’ de latitude nord, et 86° 30’ longitude ouest. Une aventure singulière attend là M. Coulter et son inséparable ami peau rouge. Dans une nouvelle excursion à terre, la pluie les force à se réfugier au milieu de rochers entassés dans un désordre pittoresque, et dont les cimes se touchent de façon à former un abri impénétrable. Au sortir de ce défilé, un spectacle imprévu et magnifique les arrête. Une large vallée s’ouvre à leurs pieds ; un lac d’une eau limpide et transparente étend, au milieu de ce cirque verdoyant, sa nappe tranquille dans laquelle se reflètent les bandes fugitives des