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élément sauter pendant plusieurs heures sur le fond de la barque ou dans les paniers. En pareil cas, ils résistent même mieux que l’alose.

Une autre erreur également accréditée parmi les pêcheurs et reproduite par quelques naturalistes consiste à croire que le hareng se nourrit d’eau pure ou tout au plus d’une sorte de vase grisâtre et fluide qui remplit d’ordinaire leur intestin. L’activité extrême de la digestion, si remarquable chez les poissons en général, peut expliquer ici la méprise d’observateurs ignorans ou superficiels, qui n’ont pas su reconnaître des alimens dénaturés. Le fait est qu’en y regardant de plus près, on découvre, au milieu de cette espèce de pâte, des œufs de poissons et souvent du frai même de hareng, des débris de petits poissons et des carapaces de divers crustacés. Une espèce appartenant à ce dernier groupe d’animaux, et qui habite le long des côtes de Norvége, a même été décrite par un célèbre naturaliste danois, par Fabricius, sous le nom caractéristique d’écrevisse des harengs. Ce petit crustacé est tellement commun en été dans les mers de ces parages, qu’en puisant un peu d’eau dans la mer, on est certain d’en rapporter plusieurs milliers. Strœm nous apprend qu’il est très recherché par les harengs, qui suivent ces essaims partout où les entraînent le vent et les marées. Cette nourriture paraît, au reste, exercer une influence fâcheuse sur les poissons qui en font un usage exclusif. On assure que les harengs pris à cette époque se putréfient avec une rapidité extrême, et que même leur chair, contractant alors des qualités délétères, cause un grand nombre de maladies.

Il arrive parfois que les harengs, après avoir pendant nombre d’années fréquenté certaines côtes, les abandonnent subitement, et, par leur absence, jettent dans la misère les populations dont ils faisaient la richesse. La superstition, si ingénieuse à se tourmenter elle-même, a souvent trouvé un aliment dans quelques faits de cette nature. Les montagnards écossais croient qu’il suffit qu’une femme de Skye passe l’eau dans l’intention de se rendre à l’autre côté de l’île pour qu’aussitôt les harengs s’éloignent de ces parages. Les historiens du XVIe siècle nous ont conservé l’histoire d’un hareng extraordinaire dont l’apparition fut regardée comme un signe de la colère divine et la cause de la fuite des harengs loin des côtes de Suède. Le 21 novembre 1587, on pêcha dans les mers de Norvége deux de ces poissons portant sur leurs flancs des caractères gothiques profondément gravés. Ces poissons furent apportés à Copenhague et présentés, sept jours après leur capture, au roi Frédéric II. Ce monarque, effrayé à la vue de ce prodige, convoqua les savans de sa capitale, qui traduisirent ainsi la prétendue inscription : vous ne pêcherez plus de harengs par la suite aussi bien que les autres nations. Le roi ne s’en tint pas à cette explication et consulta les plus illustres lettrés de l’Allemagne. Un mathématicien français, résidant alors à Copenhague, publia un gros livre pour prouver que