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s’en faut. Est-il possible de contester, par exemple, que le développement puissant du commerce et de l’industrie, né à la suite des libertés nouvelles, n’ait entraîné, à côté de mille précieux avantages, des maux et des abus que les pères de la révolution ne pouvaient pas soupçonner ? Qui niera aujourd’hui que la liberté absolue du travail n’ait besoin de quelques limites, que l’isolement des individus ne doive trouver dans l’association un utile et nécessaire contre-poids ? Ce principe d’association est encore bien nouveau dans le monde, et déjà il a porté les meilleurs fruits ; croyez-vous qu’il ait épuisé sa fécondité ? L’état n’a-t-il rien à faire pour en faciliter l’application ? N’est-ce pas à lui qu’il appartient de régler et de seconder tout ensemble cet irrésistible mouvement qui porte toutes les classes de la société à désirer des lumières, des jouissances, des droits ? Il ne m’appartient pas d’indiquer ici telle ou telle réforme. C’est aux hommes spéciaux à les découvrir, c’est aux hommes d’état à choisir parmi les idées nouvelles celles qui sont mûres pour l’application ; mais je crois pouvoir soutenir sans témérité trois choses : qu’il y a certaines institutions à réformer, d’autres à développer, d’autres, enfin, dont la société réclame la création.

Niez-vous qu’il y ait des institutions à réformer ? Je vous opposerai l’autorité de cet esprit si pratique et si réservé, dont le nom réveille en ce moment un lugubre souvenir, M. Rossi. Suivant lui, tout notre droit civil doit être remanié pour être mis en harmonie avec les nouveaux besoins économiques de notre société. Niez-vous qu’il y ait des institutions à développer ? Je pourrais vous citer mille institutions partielles : caisses d’épargne, caisses de secours mutuels, crèches, salles d’asile, écoles d’adultes, conseils de prud’hommes, syndicats ; je n’insisterai que sur un seul point, et je demanderai si l’instruction publique ne réclame pas, de l’aveu de tout le monde, une extension nécessaire et d’utiles modifications. N’avons-nous pas l’instruction primaire à élargir, l’instruction secondaire à refondre, l’enseignement professionnel à constituer ? Soutiendrez-vous enfin qu’on ne puisse créer aucune institution nouvelle, ni grande, ni petite ? Sans chercher s’il n’y aurait pas mille institutions partielles à emprunter aux pays voisins, sans discuter en détail ni les banques de prêt sur simple garantie morale de l’Écosse et de l’Amérique, ni l’avocat des pauvres de la Sardaigne, ni les médecins cantonaux de la Lombardie, ni les caisses de retraite pour les ouvriers, je m’attache à un principe général, et je soutiens que l’association des travailleurs, soit entre eux, soit avec les chefs d’industrie, est un germe heureux qui ne demande qu’à mûrir. Je ne prétends pas indiquer de préférence la participation des ouvriers aux bénéfices, et j’entends formellement que toute convention de ce genre doit rester volontaire, mais j’ai foi dans l’esprit d’association, dans la diversité infinie et dans la souplesse admirable de ses formes. Que l’initiative prudente