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sieurs de ses congénères ; de nos jours encore, l’anatomie du hareng n’avait été, pour ainsi dire, qu’ébauchée. M. Valenciennes, riche d’observations personnelles recueillies soit dans les différens musées d’Europe, soit à bord des bateaux pêcheurs, possédant en outre les matériaux rassemblés par Noël de La Morinière[1], a voulu combler toutes ces lacunes, et on peut dire qu’il y a réussi. Le demi-volume consacré au hareng est une histoire complète de ce poisson célèbre, et renferme, entre autres, des renseignemens d’un grand intérêt sur l’état de la pêche chez les différens peuples européens jusqu’à la fin du dernier siècle. Toutefois l’auteur a cru devoir se borner au côté historique de la question et laisser de côté la statistique, trop étrangère au plan général d’un ouvrage essentiellement scientifique. Des documens inédits et dont plusieurs nous ont été communiqués, soit par M. Valenciennes lui-même, soit par les chefs de divers administrations spéciales, nous ont permis d’entrer ici dans des détails plus circonstanciés et de citer des chiffres propres à justifier tout ce qu’on a pu dire de l’immense intérêt qui s’attache au poisson dont nous esquissons l’histoire.

Le hareng, que sans doute bien peu de nos lecteurs connaissent pour l’avoir vu à l’état frais, est un joli poisson d’un beau vert glauque, glacé d’argent sur le dos, d’un magnifique blanc d’argent sur les côtés et sous le ventre. Il a la tête petite, l’œil grand, la bouche assez peu fendue, l’opercule lisse, le dos épais et arrondi, le ventre comme dentelé. Tous ces caractères sont constans, mais il n’en est pas de même de la taille ; celle-ci varie. Les harengs de nos côtes ont au plus vingt-sept centimètres de long, tandis, que, dans les mers du Nord, on en pêche qui comptent jusqu’à trente-huit centimètres. Les rapports proportionnels entre les diverses parties du corps varient également, quoique dans des limites assez restreintes, et, chose remarquable, ces variations de taille et de proportion se présentent constamment chez les harengs pris dans des localités déterminées. Aussi les pêcheurs et quelques naturalistes ont-ils été conduits à admettre que notre Océan nourrit deux espèces de harengs. Il n’en est rien toutefois. Un examen attentif démontre que ce ne sont là que les simples variétés, et ce fait a une importance réelle au point de vue de la zoologie philosophique. Long-temps, en effet, on a cru que la domesticité seule pouvait créer des races distinctes ; on regardait tous les représentans sauvages d’une

  1. Noël de La Morinière, naturaliste, antiquaire et numismate distingué, avait été long-temps inspecteur des marchés de Rouen pour la vente des poissons. Plus tard, il fut nommé inspecteur-général des pêches. Ses connaissances pratiques le mirent à même de rendre de véritables services dans cette place, qui, malheureusement, fut supprimée à la mort du titulaire. Il avait entrepris une Histoire générale des pêches chez les anciens et chez les modernes, ouvrage dont il n’a publié qu’un volume. Ses manuscrits, restés entre les mains de Cuvier, sont passés à M. Valenciennes, qui les cite très souvent avec éloge dans l’Histoire générale des poissons.