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le gouvernement ? Il tendait le ressort de plus en plus et concentrait l’action politique dans une sphère chaque jour rétrécie. Résolu à opposer à toute pensée de réforme une résistance systématique, il allait jusqu’à refuser à la petite bourgeoisie ces humbles droits dont l’usage paraissait si parfaitement innocent aux meilleurs esprits.

Le jour vint où la monarchie de juillet, sollicitant vainement la sympathie toujours équivoque des chefs ombrageux du clergé, tendant une main dédaignée à une aristocratie hautaine et méfiante, séparée du peuple, mal soutenue d’une partie mécontente de la bourgeoisie, se trouva sans point d’appui. Le premier vent d’orage suffit à la renverser.

La révolution de février a été la défaite de la bourgeoisie, sévèrement punie de son égoïsme et de son aveuglement, commençant par abandonner le peuple et finissant par s’abandonner elle-même. La bourgeoisie renversée, qui restait debout ? Les ouvriers et à leur tête le socialisme. Ce fut à lui que l’on s’adressa pour refaire un gouvernement et pour répandre sur toutes les misères d’une société malade la rosée rafraîchissante de ses réformes.

Ç’a été un spectacle vraiment curieux, au lendemain de février, que la naïve confiance des classes ouvrières dans le pouvoir qui était leur ouvrage. Elles semblaient pures alors de toute envie, de toute pensée de spoliation ; elles étaient fières et nobles dans leur misère volontairement acceptée ; elles avaient la foi et une sorte d’innocence. Malgré leur simplicité et leur ivresse, les plus intelligens sentaient qu’une société à refaire n’était pas l’œuvre d’un jour, et, ne voulant pas agir comme des créanciers défians et cruels avec le gouvernement de leur choix, ils lui donnaient trois mois pour s’exécuter. Nous avons, disaient-ils dans leur candeur, nous avons trois mois de misère au service de la république : parole admirable, mais accusation accablante contre les hommes qui depuis plusieurs années bâtissaient sur des promesses irréalisables l’édifice orgueilleux de leur popularité.

Le moment était enfin venu pour eux de déployer toutes leurs ressources ; la presse, la tribune, leur demandaient des idées ; le peuple attendait des institutions. Comment le socialisme a-t-il traversé cette double épreuve, et d’abord l’épreuve des faits ?

Si, laissant de côté les vues purement théoriques, on cherche une solution précise à cette question : Qu’a fait le socialisme au pouvoir ? On verra qu’il faut répondre : Il a fait les ateliers nationaux. J’entends l’hôte exilé du Luxembourg qui se récrie : Je n’avoue, dit-il, que l’atelier social ; je désavoue formellement les ateliers nationaux. Ceux-ci ont été faits sans moi et contre moi. L’atelier social, sauf l’essai incomplet de Clichy et celui de l’allée des Veuves, est resté à l’état de théorie, théorie bienfaisante et féconde, mais que les circonstances n’ont