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l’anchois, et donne des salaisons de qualité inférieure, recherchées par les classes pauvres. Nous citerons encore le fameux white-bait des Anglais (rogenia alba), si estimé des habitans de Londres, et qui, cantonné jusqu’à présent sur les rivages d’Angleterre, s’acclimaterait probablement sans peine sur nos côtes à l’aide de fécondations artificielles. Parmi les seconds, nous mentionnerons, entre autres, avec M. Valenciennes, la sardinelle auriculée (sardinella aurita), très commune dans certains parages de la Méditerranée et en particulier sur les côtes de l’Algérie, où elle pourrait devenir l’objet d’un véritable commerce ; la clupéonie de Jussieu (clupeonia Jussieui), qui, sans avoir la délicatesse de notre sardine, serait pour l’Île de France, où elle abonde, une source de revenus considérables, si les habitans de cette colonie savaient la préparer. Nous signalerons surtout la sardinelle de Nieuhoff (sardinella Nehowii), qui habite les mers du Malabar. Cette espèce, d’un goût très agréable, s’approche tous les ans du rivage en nombre si prodigieux, que les habitans s’en servent pour fumer leurs champs de riz et leurs plantations de cocotiers. Certainement, le génie de la spéculation, si actif dans la race anglaise, s’éveillera tôt ou tard à l’aspect de ces richesses perdues ; les côtes du Malabar verront s’élever des pêcheries, et peut-être un jour ces poissons si dédaignés viendront-ils jusque sur nos tables rivaliser avec la sardine et l’anchois.

Le genre hareng proprement dit (clupea) renferme plusieurs espèces d’une utilité reconnue. Le hareng de la mer Noire (clupea pontica), que les vents jettent quelquefois par myriades jusque sur les rivages de la Crimée, n’attend que quelques perfectionnemens dans le mode de préparation pour acquérir une haute importance commerciale. Le hareng de Pallas (clupea Pallasii) est, pour les Kamtchadales, une source inépuisable de provisions d’hiver. Le hareng de New-Yorck (clupea elongata) et quelques autres espèces propres à l’Amérique septentrionale sont, pour les peuples de ces contrées, à peu près ce qu’est, pour nous, le hareng commun (clupea harengus) ; mais, de tous ces poissons utiles, nul ne peut lutter d’importance avec ce dernier. Des populations entières se lèvent chaque année pour poursuivre cet humble habitant de nos mers. Des fiors les plus reculés de la Norvége jusqu’à la plus petite anse de la Normandie sortent d’innombrables escadres de bâtimens légers, montés par des pêcheurs norvégiens, suédois, russes, danois, allemands, hollandais, écossais, anglais, irlandais, français, empressés de prendre leur part d’un butin assuré, tandis que de véritables flottes, moins nombreuses, mais formées de vaisseaux d’un fort tonnage, s’avancent dans la même intention jusqu’aux îles Shetland et dans les parages des mers d’Islande.

À voir l’importance extrême si justement attachée au hareng, on devrait croire ce poisson parfaitement connu depuis bien des années ; pourtant il n’en est pas ainsi. Long-temps il a été confondu avec plu-