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à ce point, que bien des espèces nettement distinguées par de simples pêcheurs l’étaient fort mal par les zoologistes.

M. Valenciennes, en abordant cette partie du grand ouvrage qu’il poursuit avec une persévérance peut-être moins bien appréciée en France qu’à l’étranger, avait à vaincre des difficultés d’autant plus grandes, que, grace au zèle des ichtyologistes de tout pays, les collections du Muséum s’enrichissaient chaque jour d’espèces nouvelles. Heureusement ce naturaliste avait fait de nombreux voyages sur nos côtes ; il avait suivi les pêcheurs de harengs dans leurs courses parfois hasardeuses ; il avait étudié sur place tous les représentans européens de ce type, et avait trouvé dans la dentition des caractères tranchés. Appliquant aux espèces étrangères le résultat de ces observations, il avait reconnu qu’elles venaient naturellement se ranger dans un certain nombre de groupes, ayant presque tous pour chef de file une de nos espèces côtières. Dès-lors une classification naturelle devenait possible. La famille des clupes de Cuvier renfermait dix-neuf genres. Deux d’entre eux furent complétement écartés ; un troisième disparut comme fondé sur des caractères inexacts ; huit autres, rejetés dans le voisinage des brochets, formèrent cinq familles nouvelles. Ainsi réduite, la famille des clupéoïdes n’en renferme pas moins encore quatorze genres et cent trente espèces, la plupart entièrement nouvelles ou décrites avec détail pour la première fois.

L’utilité est un des caractères les plus généraux de cette famille. La chair de la mélette venimeuse, espèce qui habite la mer des Indes, est, il est vrai, un poison dangereux : les personnes qui en mangent sont prises de vomissemens qui parfois entraînent la mort ; mais, à part cette exception très singulière, presque tous les autres clupéoïdes fournissent une nourriture saine, abondante et souvent recherchée pour sa délicatesse. Nous citerons surtout parmi nos espèces européennes l’alose, la sardine, l’anchois et le hareng.

L’alose (alausa vulgaris) est un beau poisson qui atteint parfois une taille de trois pieds et un poids de plus de quatre livres. Quoique essentiellement habitante des eaux salées, elle fraie dans les eaux douces, comme le saumon. Répandue dans toutes nos mers, on la voit au printemps se présenter à l’embouchure des fleuves qui se jettent dans la Méditerranée ou l’Océan, et remonter le Volga, le Nil et le Tibre, aussi bien que la Garonne, la Loire et le Rhin. Dans la Seine seulement, on prenait autrefois jusqu’à treize ou quatorze mille aloses par saison ; mais ce nombre a considérablement diminué depuis que le lavage des laines a pris sur les bords de ce fleuve un développement considérable, et la plupart des aloses qui se mangent à Paris viennent maintenant de la Loire ou de ses affluens. Ce poisson, qu’on voit paraître aujourd’hui sur les tables les mieux servies, a long-temps été regardé comme un