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richesses et des lumières. Ce n’est point dans la poursuite d’un triomphe égoïste, c’est sur le terrain des principes et des intérêts sociaux qui leur est commun, que ces partis doivent s’unir. Les malheurs de la France viennent du combat qu’ils ont soutenu l’un contre l’autre depuis 1789 jusqu’à la révolution de février. Sans l’opposition des classes moyennes, la restauration ne serait point tombée ; sans l’hostilité du parti légitimiste, qui a tant affaibli l’ancien gouvernement, la révolution de février n’aurait point eu lieu. D’ailleurs, tandis qu’ils se livraient bataille, les causes sérieuses et vraiment politiques de leur querelle disparaissaient. Les ombrages que les prétentions maladroites d’une aristocratie avide de recouvrer des privilèges surannés inspiraient sous la restauration aux classes moyennes sont dissipés pour toujours ; l’opposition dans laquelle les légitimistes sont restés pendant dix-huit ans, tout en leur laissant leur caractère propre, les a ralliés à jamais à nos institutions libres et à l’esprit des sociétés modernes. Pour comprendre tout ce que la réconciliation de ces deux partis rendrait à la société de santé et de force, il faut songer à tout ce que leur discorde lui a infligé de malaise et de faiblesse. Liés chacun par leur nature, par leurs principes, aux intérêts de stabilité et d’ordre, aux idées d’autorité, de respect et de droit, ils ont, chacun à son tour, par une guerre vraiment suicide, contribué à inquiéter l’ordre, à ébranler le droit, à ruiner le respect, à discréditer l’autorité. Par là, ils n’ont réussi qu’à se paralyser, qu’à s’annuler réciproquement, se condamnant tous deux, en matière de progrès social, à l’inertie, à l’immobilité. En montrant tout ce qu’ils peuvent l’un contre l’autre, ces deux partis ont donc fait voir combien ils sont nécessaires l’un à l’autre ; s’ils ne s’unissent pas loyalement oubliant le passé dans la vue de l’avenir, avec une mutuelle estime et une mutuelle confiance, la société ne sera point défendue, et ils périront tous deux sur ses débris. Mais cette supposition est impie. Dieu ne donne pas en vain aux peuples et aux hommes des leçons aussi terribles que celles que nous avons tous reçues. Malheur à ceux qui, dans le parti légitimiste ou dans l’ancien parti constitutionnel, resteraient insensibles à de pareils avertissemens, et qui, pour je ne sais quelles étroites rancunes ou quels calculs égoïstes, feraient perdre une occasion si noble et si patriotique de conciliation entre les deux élémens les plus considérables de la famille française !

Fortifié par l’union sincère de ses deux grandes fractions, le modéré, dans cette reconstruction politique de la France, obtiendra toutes les garanties qui sont nécessaires aux intérêts de stabilité et de conservation ; par une coïncidence heureuse, du même coup il affermira les vraies et loyales garanties de la démocratie et de la liberté. Le suffrage universel, si on ne le laisse point corrompre et violenter par la tyrannie révolutionnaire, a cela d’admirable, qu’en portant la lutte politique