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la situation de la société française. C’est la préface, sinon le programme complet, du vaste système de politique et de conduite par lequel le grand parti modéré, avec les idées de patriotisme et de progrès, avec les intérêts de conservation, d’ordre et de prospérité publique qu’il représente, doit consolider et consommer son triomphe. Nous avons cru bon de reproduire dans son enchaînement rigoureux le tableau tracé par M. Guizot, afin de faire sentir toute la force, toute la nécessité des conséquences pratiques qui en découlent, et sur lesquelles il ne faut plus se lasser d’appeler l’attention et la pensée du pays.

Parmi ces conséquences, il en est quatre qui nous frappent surtout ; ce sont les plus pressantes. Il faut que la France fasse aujourd’hui avec réflexion, avec entente, avec esprit de suite et par un concert raisonné, ce qu’elle fait depuis dix mois spontanément et par instinct, sous le coup des attaques qui ont réveillé ses forces vitales en les menaçant. Le premier résultat de cette réflexion et de cette délibération doit être l’accord franc, sincère et digne des deux partis qui, par leur influence naturelle, ont la part la plus large et la plus active dans l’initiative politique du pays, du parti qui porte en lui les traditions et le passé ineffaçable de notre antique nationalité, et du parti qui exprime depuis 1789 les intérêts et les aspirations libérales de la société nouvelle : pour les nommer enfin par des mots d’un autre temps et qui les désignent, plus qu’ils ne les définissent, l’accord du parti légitimiste et du parti orléaniste. Il faut que cette union réponde aux deux besoins fondamentaux de la société : la conservation et le progrès ; — à la conservation, en conquérant pour la France des institutions qui protègent la sécurité des intérêts divers et qui arment la liberté de chaque citoyen contre le despotisme révolutionnaire, — au progrès, en sachant distinguer le but des aspirations légitimes de la démocratie, au milieu même des doctrines insensées ou perverses qui s’efforcent d’égarer le peuple. Il faut enfin que le parti modéré comprenne bien et n’oublie plus un seul jour les devoirs de labeur, de dévouement et de sacrifices qui lui sont imposés comme une condition de vie où de mort.

La France, disons-nous, doit faire dès à présent avec réflexion et de libération ce qu’elle a fait d’instinct et par élan depuis la révolution de février. Aux élections de l’assemblée nationale, au 15 mai, aux journées de juin, à l’élection du président de la république, la France, de plus en plus éclairée par les périls dans lesquels les hommes de février l’ont précipitée, a manifesté de plus en plus la volonté de rejeter ces hommes funestes et leurs systèmes. Elle a montré qu’elle veut la fin, il faut qu’elle sache vouloir les moyens. Ce n’est pas tout d’avoir vaincu le danger, il faut en rendre le retour impossible. Pour cela, il y a une condition impérieuse : c’est de regarder la réalité en face, froidement, sans passion, sans préjugé, de voir les choses comme elles sont, d’être