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point le repos ; c’est la veillée des armes. Notre salut ou notre perte dépende du parti que nous saurons en tirer.

M. Guizot a choisi ce moment solennel pour faire entendre à la France une voix dont les suites de la catastrophe de février ont rendu les accens plus pénétrans encore et plus graves. Le livre de la Démocratie en France, nous n’en voulons point faire un autre éloge, ramène l’opinion aux points de vue hauts et larges où la convie le calme passager de cette heure décisive. Peut-être quelques personnes, dans les rangs surtout ses anciens adversaires, attendaient-elles de M. Guizot une rentrée plus vive et plus véhémente dans nos débats politiques ; mais la dignité de sa situation et plus encore l’intérêt présent de la société française prescrivaient à M Guizot l’attitude qu’il a prise en adressant, pour la première fois après une révolution, la parole à son pays. Les luttes qui nous ont déchirés pendant une année, et où tant d’hommes politiques et d’écrivains ont si bien fait leur devoir, rendaient superflu un nouveau livre de polémique. Ce qu’il faut maintenant à la France, ce sont des œuvres de méditation et de recueillement qui l’aident à regarder et à bien voir au dedans d’elle-même, qui l’éclairent sur les résolutions que l’intérêt de son avenir lui commande. Tel est le caractère de l’écrit de M. Guizot. C’est ce qui en fait l’opportunité, l’utilité, je dirai même le charme. L’intelligence, fatiguée des écrits alcooliques dont nous avons été incendiés, se repose dans la sérénité, dans le calme, dans la tolérance libérale que respirent les paroles de M. Guizot. Il y a sans doute de la tristesse dans l’ame de l’homme d’état qui a subi de si cruelles injustices, et qui n’a pu prévenir les malheurs de sa patrie ; mais cette tristesse qui n’a pas abattu un seul instant la fermeté de ses pensées et le courage de ses espérances ajoute une séduction de plus à cette voix éloquente et à cette noble figure.

Ceux qui ont présent à la mémoire, non-seulement son passé de ministre, mais son passé d’écrivain politique, attendaient avec une curiosité impatiente le jugement que M. Guizot allait porter aujourd’hui sur la société française. Tous les écrits de M. Guizot durant la restauration, œuvres historiques et brochures politiques, n’ont eu qu’un objet, l’étude, l’analyse des élémens, des conditions, des caractères de la société nouvelle que la révolution a engendrée. Personne ne s’est appliqué à cette étude avec plus de persévérance et de ferveur ; personne n’y a porté un esprit d’observation plus profond et une pensée plus virile ; Personne non plus n’a signalé avec plus d’énergie les périls qui entourent notre démocratie, et cependant personne, en tout temps, n’a témoigné dans l’avenir de la France libre une confiance plus assurée, et l’on pourrait dire plus superbe. M. Guizot est l’homme de notre époque, qui a épousé avec le plus de passion et d’orgueil les destinées de la société nouvelle. Il y avait donc un immense intérêt à savoir si,