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à notre industrie et à nos arts, qui, dés leur retour sur le sol natal, n’ont eu rien de plus pressé que d’oublier tout ce qu’ils avaient appris chez nous ? Les récits des voyageurs sont semés de ces traits d’antipathie instinctive contre les mœurs et la civilisation de la race blanche. Il y a des personnes qui ont la simplicité de croire que le spectacle de la civilisation européenne et les félicités qu’elle offre ont pour l’Africain des attraits irrésistibles. C’est une bien grande erreur. Le noir qui s’éloigne volontairement de ses pénates, disons mieux, de ses fétiches pour gagner de l’argent avec les blancs, soit dans la marine, soit dans tout autre service, n’a rien de plus pressé, quand il a amassé son pécule, que de revenir dans sa tribu pour y vivre de la vie du pays. Les preuves de ce fait abondent dans l’histoire des voyages.

Qu’en faut-il conclure ? Que les Africains sont une race inférieure Non, mais qu’ils sont une race différente, qui a d’autres penchans et d’autres aptitudes que les Européens. Si l’orgueil que nous inspire notre civilisation est un orgueil légitime, ce serait être par trop exclusif que d’exiger que ce qui nous convient parfaitement soit également bien approprié à toutes les parties du monde. Il faut tenir compte des constitutions physiques, des tempéramens, du milieu dans lequel les hommes vivent. Les Africains sont des Africains, et non des Européens vivant en Afrique. On réussira sans doute à façonner des fractions de ces populations à notre manière de vivre, de même qu’on teint en rouge ou en bleu le bois d’un arbre, en mêlant à la sève qui circule sous l’écorce une liqueur hétérogène ; mais on ne fera jamais que notre genre de vie soit celui qui leur convient le mieux. Sans vouloir faire une comparaison malséante entre les animaux et les hommes, disons encore ceci : Vous pouvez bien dresser un noble chien de chasse à faire faction sur deux pattes, portant un bâton en guise de fusil ; vous pouvez l’élever de manière à ce qu’il sache désigner telle où telle carte, compter les heures ; vous pouvez enfin lui apprendre cent autres tours semblables : vous ne ferez jamais qu’il préfère ces exercices à la guette et à la poursuite du gibier.

Nous admettons parfaitement qu’un noir se distingue dans les sciences ou dans les arts des blancs, nous admettons qu’un Africain puisse s’élevé au-dessus du commun des Européens par la pratique et suivant les lois de la civilisation européenne ; mais ces exemples seront toujours rares, parce qu’ils supposent une contrainte imposée à la nature. Les hommes sont égaux, c’est notre conviction : les noirs valent les blancs et les blancs valent les noirs. Ce n’est pas à dire pour cela que les races différentes aient une aptitude égale pour toutes choses. Telle n’est pas notre opinion ; tels n’ont pas été non plus, sans doute, les desseins de la Providence, qui a voulu que les Africains soient noirs, que les Européens